Comment gérer l’usage des écrans de mon enfant ?

Addictologie
Fiches pour tous

Dr Elie Khoury, Dr Benjamin Landman (Psychiatres) , Dr Benjamin Pitrat (Addictologue) – Unité fonctionnelle d’addictologie pédiatrique – Centre d’excellence des troubles du neuro-développement d’Ile de France

Dans une ère où la technologie prédomine, nos enfants sont plus soumis que jamais aux écrans. Difficile de leur refuser, difficile de faire respecter les règles. Vous pouvez perdre le contrôle sur la gestion des jeux, et vos enfants également commencent à ne plus pouvoir s’arrêter de jouer.

Il y a cependant des avantages à passer du temps devant les écrans et sur les jeux vidéo

Souvent critiqué et montré du doigt, le temps passé devant un écran n’est pas forcément perdu. Vous pouvez discuter en famille de la place que les écrans occupent dans nos vies et notamment des nombreux éléments positifs qu’ils apportent. Six points positifs à avoir en tête avant de s’énerver

1. De manière générale, le jeu permet d’expérimenter différents états émotionnels sans prise de risque, il permet de changer de perspective et peut apporter un sentiment d’accomplissement (lorsqu’on gagne une partie !).

2. Socialisation : que ce soit par les jeux en ligne, la fréquentation des réseaux sociaux ou simplement par l’utilisation de messagerie, les écrans sont devenus un outil puissant de partage, discussion et de lien avec le groupe.

3. Apprentissage : la crise sanitaire a instauré de nouvelles habitudes, de nouveaux outils. Par exemple, de nombreux enseignants partagent leurs cours mais aussi des liens vers du contenu numérique de qualité.

4. L’écran n’est pas toujours un moment de solitude. Il est tout à fait possible de passer du temps en famille en regardant un film, en jouant aux jeux vidéo ou bien en appel vidéo avec les proches.

5. Jouer, voir un film ou se balader sur les réseaux sociaux peut diminuer l’anxiété en captant l’attention.

6. Enfin, jouer c’est être actif et donc maintenir une activité cognitive.Certains jeux stimulent même la coordination motrice et visuelle ou les capacités à résoudre un problème !

Cependant, il y a aussi des risques, et c’est pour cela que vous aimeriez mieux contrôler l’usage des écrans

Bien sûr, passer « trop » de temps devant les écrans peut avoir des conséquences sur la santé de votre enfant. D’ailleurs les réseaux sociaux et les jeux-vidéos fonctionnent souvent de manière à capter l’attention et donc à augmenter la sédentarité physique. Voici ce qu’il est important de savoir. 4 points négatifs indiscutables que l’on peut utiliser comme arguments auprès de vos enfants !!

1. Passer du temps devant un écran c’est passer moins de temps à faire autre chose (un enfant doit passer du temps dans le monde physique à jouer, manipuler, toucher et s’activer) au risque d’impacter son développement normal.

2. Être devant un écran c’est être immobile. La sédentarité peut entrainer une prise de poids et augmenter le risque de dépression.

3. Un enfant ou un adolescent peut facilement perdre la notion du temps et de la fatigue lorsqu’il est devant un écran. Le risque de désorganiser le cycle du sommeil est important.

4. Parfois, le contrôle est difficile à garder et s’accompagne d’un isolement social ou d’un moins bon investissement dans la scolarité.

Quatre stratégies pour définir un cadre cohérent QUANT A la consommation d’écrans ?

Parfois, votre enfant tentera de s’occuper avec des activités électroniques (écrans et jeux vidéo) qui ont, pour lui, le mérite de faire passer le temps plus vite. Toutefois, au vu des avantages et des risques mentionnés plus haut, il semble nécessaire de réglementer l’accès aux écrans et surtout les modalités de cet accès. L’approche la plus fructueuse sera celle qui privilégiera un cadre clair et cohérent, défini à l’avance et favorisant la diversité des activités. En voici les principes directeurs :

1. Mettre en place un emploi du temps prédéfini :

  • Impliquer votre enfant dans sa conception afin de mieux le responsabiliser et d’éviter qu’il ne le considère comme imposé.
  • Cet emploi du temps peut prendre une forme physique comme un tableau à accrocher dans sa chambre ou sur le frigo, ce qui formalise le concept et favorise la prévisibilité.
  • Il est conseillé de l’appliquer à l’ensemble de la fratrie, pour éviter les sentiments d’injustice, avec un contenu adapté selon l’âge de chacun.
  • Un temps de 60 minutes/jour devrait être alloué à diverses formes d’activités physiques d’intensité variable, dont au moins 20 minutes d’activité modérée à vigoureuse. Cela peut paraître beaucoup. Essayez de fractionner en 2 ou 3 périodes dans la journée.
  • Théoriquement, le temps d’écran ne devrait pas dépasser 60 minutes/jour en semaine et 120 minutes/jour en week-end, de préférence réparties sur plusieurs créneaux. En période de vacances par exemple, il est possible d’être plus flexible. Ce qui compte c’est d’obtenir un compromis entre votre enfant et vous, et puis s’y tenir. Dans certaines familles 30 minutes de jeux par jour c’est énorme, quand d’autres trouvent que 2 heures c’est une bonne moyenne. Donc décidez d’un temps avec votre enfant et gardez le cap ensemble.
  • Les écrans sont l’antidote le plus rapide que votre enfant adoptera contre l’ennui. Il est donc crucial de proposer des alternatives variées dans le planning, qui plaisent à votre enfant (activités manuelles, artistiques, culinaires, puzzles, jeux de société…). Les devoirs, les activités en famille, les temps calmes dédiés à la lecture… doivent garder leur place et aider à structurer la journée. Les écrans c’est « en plus », « pour le plaisir », « quand tout le reste est fait ».
  • Formaliser des temps sans écrans : repas, devoirs, une soirée par semaine…

Attention !

Les temps d’activité et d’écran ne doivent pas décaler les temps de lever et de coucher. Il est important de garder une structure jour/nuit cohérente et de préserver le sommeil. Intégrer un couvre-feu à votre emploi du temps (ex : aucun écran dans l’heure qui précède le coucher) pour se préparer au sommeil et continuer à se lever à heure fixe. De même, pas d’écrans dès le matin. 

2. Réglementer les modalités du temps d’écran :

  • Faire en sorte que le temps passé devant les écrans soit le plus possible une activité partagée, un temps de famille, un temps d’échange. Ces moments passés ensemble à la maison peuvent être une occasion de mieux comprendre ou de découvrir les jeux auxquels joue votre enfant. Vous pouvez essayer de jouer à certains jeux en famille.
  • Ne pas hésiter à commenter, expliquer, donner des clarifications sur ce que l’enfant regarde, et à l’interroger pour favoriser sa compréhension des histoires, des situations, des émotions ou des réactions.
  • Une supervision parentale est conseillée, elle gagnera à être directe pour les plus petits, et pourra être indirecte (être à côté en faisant autre chose) pour les moins jeunes. Veillez a ce que les jeux/série TV soient adaptés à l’age de votre enfant(surtout si il y a une fratrie).
  • Si l’écran doit être partagé il est important de définir des créneaux pour chacun des membres de la famille.
  • Il est possible de faire usage des applications de contrôle du temps d’écran, ou à défaut d’un minuteur (time-timer).
  • Formaliser des lieux sans écrans : chambre à coucher, cuisine, salle de bain… et imposer que la recharge des appareils électroniques ne se fasse pas dans la chambre.
  • Faire la distinction entre écran de travail (cours en ligne, devoir…) et écran de loisir (dessins animés, jeux vidéo…).
  • Eviter de garder la télévision allumée en filigrane pendant que vous ou votre enfant prenez part à d’autres activités.
  • Essayer de réguler votre propre temps d’écran.
  • Il est possible de couper le Wi-Fi et éteindre les mobiles la nuit (mettre un panier à mobile dans la chambre des parents où chaque personne dépose son téléphone le soir)

Quelques repères qui font références :

# Avant 24 mois, pas d’écrans, sauf pour les appels vidéo (ex : aux grands-parents).

# Entre 2 et 9 ans : des écrans suffisamment grands et une image de bonne qualité. Limitez très strictement les temps d’écrans. Faites des jeux qui font intervenir la famille. Les écrans c’est en famille !! Privilégiez les jeux éducatifs qui font travailler la mémoire, l’exploration, l’attention, la rotation mentale.

# A partir de 9 ans. C’est souvent le moment où les enfants commencent à vous demander des jeux avec accès à Internet. Commencez à prévenir des risques. C’est très important. Faites un pacte avec votre enfant. C’est oui mais vous voulez vérifiez où il va et ce qu’il fait. Faites-en sorte qu’il ne joue pas seul dans une pièce. Soyez présent pour regarder ce qu’il fait. Il se sentira moins seule s’il ya des images intrusives.

# A partir de 12 ans Votre enfant voudra aller sur les réseaux sociaux. Il faut là aussi en discuter avec lui. Il faut le mettre en garde. En particulier du risque de harcèlement sur les réseaux type WhatsApp. Vous pouvez aussi lui demander de regarder ce qui s’y passe. Il y a plein d’applications qui permettent cela. A partir du moment où votre enfant est d’accord et qu’il est au courant, alors n’hésitez pas à la faire si vous en ressentez le besoin.

3. Vérifier le contenu :

  • La qualité du contenu est encore plus importante que le type de support ou le temps d’exposition. Ce contenu doit bien évidemment être ludique mais aussi éducatif.
  • Préférer autant que possible les contenus interactifs, incluant un minimum de réciprocité, au simple visionnage passif.
  • Le pré-visionnage du contenu ou la connaissance préalable de la programmation est toujours préférable.
  • Il est possible de faire usage des filtres de contrôle du contenu adapté aux enfants proposés par plusieurs plateformes.
  • L’exposition à un contenu non adapté est une éventualité d’autant plus probable que l’enfant grandit en âge. En parler avant, expliquer les principes d’Internet (tout ce qu’on y trouve n’est pas forcément vrai et tout ce que l’on y met peut devenir public et y rester éternellement), expliquer le comportement attendu et les comportements à ne pas avoir (cyber-harcèlement, sextage, partage d’informations personnelles ou de médias privés). Et en parler après mais avec bienveillance. Une approche trop stricte peut s’avérer contre-productive et favoriser la répétition du comportement en cachette.

4. Gérer une éventuelle crise :

  • La pratique des jeux vidéo ou l’utilisation des écrans peut être source de conflits et de difficultés à maintenir un cadre.  
  • Il faut savoir que les jeux vidéo peuvent mettre votre enfant dans un état de tension et d’excitation qui peut conduire à des comportements explosifs si, par exemple, la connexion est coupée brutalement.
  • Essayer autant que possible de bien définir les créneaux de jeux avec votre enfant et de le prévenir 10 minutes avant la fin du temps imparti. Au mieux il peut utiliser son propre minuteur.
  • Si le ton monte entre votre enfant et vous, décrétez une « trêve » où chacun « se retire sur son territoire » le temps que la tension redescende.
  • En cas d’escalade plus importante, vous pouvez vous référez à notre fiche pratique « Comment gérer les comportements d’opposition et les crises de colère ? » et à la fiche « tableau à point ».

Attention, il y a un lien très fort entre le temps que les adultes passent devant l’écran et le temps que passe les enfants. Éduquez vos enfants : ça commence souvent par faire des efforts sur les écrans soit même

Références :

New WHO guidelines on physical activity, sedentary behaviour and sleep for children under 5 years of age https://www.who.int/news-room/detail/24-04-2019-to-grow-up-healthy-children-need-to-sit-less-and-play-more

Screen time and children: How to guide your child https://www.mayoclinic.org/healthy-lifestyle/childrens-health/in-depth/screen-time/art-20047952

American Academy of Pediatrics New Recommendations for Children’s Media Use https://www.aap.org/en-us/about-the-aap/aap-press-room/Pages/American-Academy-of-Pediatrics-Announces-New-Recommendations-for-Childrens-Media-Use.aspx

Apprivoiser les écrans et grandir https://www.3-6-9-12.org/

How to advise parents when kids can’t put video game controllers down https://www.aappublications.org/news/

The benefice of playing video games, I.Granic et al. in American Psychologist, 2014

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