Les origines multifactorielles de l’anorexie mentale de l’enfant

Rédigé par Dr Anaël Ayrolles (psychiatre), Dr Coline Stordeur (pédopsychiatre)

Lorsqu’un enfant tombe malade, il est naturel de vouloir comprendre pourquoi. Concernant  l’anorexie mentale, de nombreuses croyances et idées reçues circulent tandis que la question de l’étiologie est complexe.

On ne sait pas vraiment pourquoi certains patients traversent un premier épisode d’anorexie mentale dans l’enfance et d’autres à l’adolescence. Quoiqu’il en soit, les causes à l’origine de l’apparition du trouble des conduites alimentaires de type anorexie mentale sont multiples, probablement intriquées et les mécanismes qui sous-tendent cette maladie sont complexes. 

Ce que nous savons, c’est qu’il existe plusieurs facteurs de risque qui augmentent la probabilité qu’un enfant développe une anorexie mentale prépubère. Les experts s’accordent à dire que l’anorexie mentale prépubère est une maladie complexe qui résulte de l’interaction de facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux multiples. L’un des objectifs de la recherche scientifique est d’identifier au mieux ces facteurs. Les données dans l’anorexie mentale chez l’enfant sont encore parcellaires, cependant, certains facteurs de risque sont bien identifiés.     

 

# Facteurs biologiques

La participation de facteurs génétiques est bien établie. Le risque de développer une anorexie mentale est augmenté lorsqu’il existe un antécédent de trouble des conduites alimentaires chez un parent. Attention, il n’y a cependant pas de transmission systématique de l’anorexie mentale d’un parent à son enfant. Des études génétiques sur de larges populations de patients  mettent également en évidence un lien  entre l’anorexie mentale et d’autres pathologies psychiatriques ou non psychiatriques faisant suspecter l’existence de prédispositions génétiques communes (par exemple entre Anorexie Mentale et Trouble Obsessionnel Compulsif). 

Enfin, d’autres facteurs biologiques semblent impliqués : les enfants atteints d’anorexie mentale sont souvent décrits avec des perturbations de leurs trajectoires de poids antérieurement à l’apparition du trouble, certains présentant un indice de masse corporelle faible dès la petite enfance, d’autres présentant au contraire un surpoids ou une obésité précédant le développement de la maladie. 

 

# Facteurs psychologiques

Certains profils, certaines caractéristiques de personnalité, de tempérament – préexistant à l’apparition du trouble –  sont  plus fréquemment retrouvés chez les enfants avec une anorexie mentale. Ainsi, nous retrouvons souvent chez ces enfants une faible estime de soi (sentiment d’incompétence, de ne pas être à la hauteur) associée à une sensibilité excessive au jugement d’autrui (surtout lorsque celui-ci est négatif). Les personnes affectées par l’anorexie mentale peuvent souvent présenter un perfectionnisme et une importante rigidité : nous retrouvons donc des enfants minutieux, attachés aux détails et, souvent, ayant un besoin de contrôle. Ces préoccupations excessives peuvent s’associer à un fort contrôle sur le plan émotionnel.

 

# Facteurs environnementaux

Nous savons aussi que de multiples facteurs environnementaux peuvent contribuer au développement du trouble. La présence de moqueries, de harcèlement, de violences, ou bien simplement de remarques sur le poids, la silhouette ou l’alimentation peuvent constituer des facteurs précipitants chez des enfants à risque. 

D’autres facteurs environnementaux comme des complications lors de la grossesse, de l’accouchement ou des difficultés alimentaires précoces semblent représenter également des facteurs de risques supplémentaires.

Nous savons aujourd’hui que la famille n’est pas la cause de la maladie de l’enfant. Au contraire,  les parents sont des partenaires de soin essentiels. Il est important de les mobiliser et de ne pas les culpabiliser. 

D’autres croyances interrogent sur la participation de facteurs socio-culturels dans le développement de la maladie. Il n’est pas clairement établi à partir de quel âge ces facteurs peuvent affecter les comportements alimentaires, il n’existe pas non plus de données spécifiques qui permettrait d’incriminer les médias ou les réseaux sociaux dans le développement de l’anorexie mentale chez l’enfant. Cependant, nous savons  que les préoccupations corporelles concernent un grand nombre d’enfants dès le plus jeune âge. 

 

# Quelles conséquences sur la prise en charge ?

Il est important de retenir que la présence de facteurs de risque n’entraîne pas systématiquement le développement de la maladie mais doit inciter à une vigilance accrue pour un repérage et une prise en charge précoce des difficultés (y compris non alimentaires telles que le stress, les troubles anxieux…)  chez ces enfants plus à risque.

La prise en charge de l’anorexie mentale à début précoce ne consiste pas à trouver coûte que coûte la cause des troubles même si nous nous intéressons  à d’éventuels facteurs précipitants. Nous préconisons une prise en charge multi-disciplinaire, nutritionnelle, somatique, psychiatrique et psychologique visant à restaurer une trajectoire de développement normale (reprise de la croissance et du développement pubertaire en particulier) et un état de complet bien-être physique, mental et social (définition de la santé selon l’OMS). La renutrition est un élément clé et une priorité. On renforcera aussi les stratégies de gestion du stress des patients tout en accompagnant les familles dans le parcours de soins. 

L’identification des facteurs de maintien et le travail psychothérapeutique et psychoéducatif sur ces facteurs (par exemple tristesse de l’humeur, isolement social), sur les facteurs prédisposants modifiables (par exemple, estime de soi) et sur les facteurs précipitants (par exemple, attitude face aux moqueries et aux critiques) permettra d’accompagner les patients sur le chemin de la guérison et de prévenir les rechutes. La thérapie familiale sera un soutien pour la famille et l’aidera à se mobiliser pleinement pour accompagner l’enfant.

 

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