Mes enfants se bagarrent tout le temps

Dr. Ana Moscoso & Pr Richard Delorme, Dr. Alexandre Hubert, Dr. Alicia Cohen (pédopsychiatres) ; Marina Dumas (Ph.D, psychologue thérapeute TCC).

 

Durant certaine période, les bagarres entre les enfants peuvent être fréquentes. Ces bagarres déstabilisent les parents qui ne savent pas toujours comment les gérer.

Comment réagir pour ne pas se retrouver à crier sur ses enfants et à devoir les séparer toute la journée ?

ANTICIPER LES BAGARRES – IDENTIFIER LES FACTEURS DECLENCHANTS

Pour prévenir une bagarre entre vos enfants, repérez les facteurs déclenchant. Voici les plus fréquents :

# L’ennui. Vos enfants s’ennuient ? Pendant les vacances par exemple, ou le soir ou le weekend, lorsqu’il n’y a plus de devoirs, l’ennui peut vite s’installer. Pour l’éviter, réalisez un planning des activités de la journée. Plus les enfants sont petits, plus la sensation d’ennui arrive vite. Pour les moins de 6 ans, une activité qui dure plus de 30 minutes est déjà une activité longue. Prévoyez 10-15 minutes d’activité pour les petits de 3 ans, 20-25 minutes à 6 ans, 30-35 minutes à 9 ans, 40-45 minutes à 12 ans. Au-delà de 12 ans, on peut viser une activité d’une heure. [pour avoir un exemple d’emploi du temps, voir la fiche « Planification de la journée en période de vacances pour les enfants de 3 à 11 ans »].

# La recherche de stimulation sensorielle. Les enfants aiment beaucoup les jeux physiques, c’est aussi une des raisons pour laquelle ils aiment se chamailler. Anticipez : pour qu’ils puissent se défouler, proposez-leur des activités physiques, comme effectuer un parcours d’obstacles dans l’appartement, ramper, faire des roulades ou sauter sur le lit. Ce type d’activité n’est toujours simple à mettre en place, mais, vous verrez comment cela permet souvent de soulager la tension des enfants. Au besoin, SORTEZ. Vous pouvez faire des balades à pied, à vélo ou en trottinette. L’important est de relâcher la pression et de trouver un espace ouvert au défoulement.

[pour s’inspirer d’idées d’activités, voir les fiches « La psychomotricité à la maison »: petite enfance, primaire, collège/lycée].

# La recherche d’attention. Les enfants aiment avoir l’attention de leurs parents. Pensez à leur réserver des moments privilégiés, à planifier des plages horaires définies. Ces moments peuvent être variés : choisir l’émission à la télé, l’histoire à lire, réaliser une recette de cuisine ou les photos à mettre dans un album familial…).

# L’évitement d’une tâche ou d’une activité déplaisante. Souvent la bagarre représente une échappatoire pour éviter d’effectuer une tâche déplaisante. Apprenez à vos enfants à exprimer leur désaccord par un autre moyen (cf. Communication non-violente ci-après).

# La réaction au changement. Les temps de transition sont souvent des phases où les enfants commencent à s’agacer, et où les bagarres risquent de survenir. Par exemple, des chamailleries arrivent souvent lorsque vous passez d’une activité à une autre (le temps entre la fin des devoirs et le goûter par exemple). Faites-les participer aux changements de façon active (mettre la table, ranger…)

# La réaction aux conflits. Évitez de vous disputez avec votre conjoint (ou vos parents, ou des amis) devant les enfants. Plus important, n’exposez pas vos enfants à la violence entre adultes. Les conflits entre adultes, voire la violence entre eux, sont toujours un facteur d’aggravation très important des conflits dans la fratrie et une source de violence intense entre les enfants.

ANTICIPER LES BAGARRES – PROPOSER DES SOLUTIONS ALTERNATIVES

# Mettez en place un cadre structurant d’activités et favorisez l’autonomie.

o Incitez vos enfants à jouer de façon autonome. Les activités en autonomie apprennent aux enfants à gérer le problème sous-jacent (l’ennui) sans avoir à courir vers un parent. Ils doivent apprendre à s’occuper seuls pour cesser de se battre (faire de la peinture, du coloriage, de la construction, de la pâte à modeler ; créer soi-même des cartes de vœux pour les anniversaires des amis ; rédiger un journal de bord ou une lettre à ses grands-parents ; préparer une chasse aux trésors pour sa famille ; etc.).

o Soyez stricte sur le temps passé devant les écrans. Si les écrans peuvent occuper les enfants, trop de temps passé sur l’écran peut également provoquer des bagarres. Les écrans font souvent émerger les disputes entre les enfants (choix de programme, accès à la télécommande ou à la console), parce qu’ils entraînent beaucoup de fatigabilité attentionnelle et parce que ce n’est pas un jeu « actif » permettant de se défouler.

o Attention à ne pas induire de dépendance aux écrans. Ce serait une difficulté supplémentaire à gérer [pour savoir comment gérer le temps devant l’écran, voir la fiche « Comment gérer l’usage des écrans de mon enfant »

# Mettez en place des règles équitables de partage. Lorsque vous avez identifié la cause de dispute (jouets, télévision, ordinateur, appel téléphonique), essayez d’élaborer des règles équitables de partage. Attention : les règles équitables de partage ne signifient pas toujours une répartition égale entre les enfants. Car dans ce cas, les enfants ont souvent plus de mal à accepter des situations qu’ils perçoivent comme injustes, et les disputes se multiplient. Différenciez les règles pour les enfants s’ils ont des âges différents. Proposez des solutions alternatives qui ne créent pas de sensation d’inégalité. Par exemple, le plus petit peut rester jouer plus longtemps dans son bain tandis que le plus grand peut appeler ses amis.

# Motiver les changements de comportements. Ne vous contentez pas de parler avec vos enfants de la manière de résoudre les conflits. Agissez ! Mettez en place des stratégies de motivation aux changements. Utilisez les systèmes d’économie de jetons pour essayer d’induire de nouveaux comportements plus bienveillants (par exemple, participer aux tâches ménagères, mettre la table, ranger ses affaires…) et de réduire des comportements inadaptés (insultes, violence verbale).Donnez l’exemple et inscrivez dans les tableaux à point des comportements souhaitables [pour savoir construire le tableau à point, voir la fiche « Motiver les changements ».

GERER LA BAGARRE PRESQUE IMMINENTE

# Prenez quelques secondes avant de réagir. Par exemple, si vous travaillez à la maison, les enfants peuvent comprendre qu’une grosse bagarre vous fera probablement sortir de votre bureau. Ayez une attitude adaptée à la situation : si le ton monte pendant quelques secondes, n’intervenez pas immédiatement, cela va peut-être se résoudre sans votre présence ; si la réelle dispute commence, il faut intervenir avant que cela se transforme en bagarre. Essayez de temporiser : donnez-vous 20-30 secondes avant d’intervenir. Ce sera d’autant plus efficace que vous interveniez au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard. Donnez à vos enfants la chance de s’en sortir seuls.

# Rompez rapidement le cycle des chamailleries. Lorsque les chamailleries commencent, les bagarres ne vont pas tarder à émerger. Intervenez rapidement avant que cette phase d’apparence ludique ne dégénère. C’est encore le stade où les enfants seront sensibles à vos remarques et à vos demandes d’arrêter. Pour briser le cycle, vous devez être proactif (anticiper) et non réactif. En général, c’est à ce moment qu’il faut avoir l’énergie pour proposer une activité alternative qui permettra de reprendre le contrôle de la situation.

# Apprenez à vos enfants à gérer leurs émotions. Plus les enfants sont grands, plus ils ont de capacité pour maîtriser leur impulsivité et gérer les conflits autrement que par la bagarre. Apprenez-leur à verbaliser leurs émotions et à les gérer, par exemple par des techniques de relaxation qui pourront leur servir dans les moments de conflit [pour retrouver les techniques, voir la fiche « Comment éviter de transmettre à vos enfants votre anxiété » ]. Vous pouvez également leur apprendre à compter jusqu’à 10 avant de répondre, à faire une “respiration carrée” (inspirer, retenir le souffle, souffler et rester en apnée, tout en comptant jusqu’à 4 (5, 6 – en fonction de ses capacités pulmonaires !) et ainsi de suite à chaque respiration.

PENDANT LA BAGARRE

# Restez calme.

o Il est important de garder autant que possible une attitude neutre et distanciée pour éviter que la bagarre ne se diffuse à toute la famille.

o Dans ces situations de bagarre, nous avons souvent envie de sur-réagir et de crier plus fort que les enfants pour les séparer. Elever la voix ne résoudra rien, bien au contraire !

o Une attitude pacifiée permettra aussi de voir qu’on peut agir différemment dans une situation de conflit. Privilégier une attitude non verbale bienveillante et faire attention aux comportements qui accompagnent votre discours. Les enfants y sont beaucoup plus sensibles qu’aux mots !

# Séparez- les. Imposez un couvre-feu Sans trop intervenir verbalement, incitez vos enfants à aller dans leur chambre respective. S’ils partagent leur chambre, choisissez deux espaces où ils seront au calme, séparés, sans trop de stimulation (par exemple, cuisine et salon). Si vous vivez en studio, il est toujours possible d’isoler les enfants (chacun à son bout du canapé ou de la table). Attention : cette phase est souvent difficile. Essayez de ne pas trop parler et veillez à ne pas les blesser physiquement. Les accompagner dans leur pièce de « couvre-feu » est souvent une meilleure solution, car, en général, les enfants vous suivront assez facilement si vous vous déplacez.

# Ne récompensez pas les enfants qui se battent. Récompenser les enfants qui se battent ? Pourquoi faire cela ? Et pourtant, les parents récompensent les enfants qui se battent en leur accordant trop d’attention. Souvent les chamailleries visent à attirer l’attention. Et quelle attention les enfants qui se chamaillent veulent-ils le plus souvent ? Celle des parents, bien sûr.

APRÈS LA BAGARRE (quand la tension est redescendue)

# Aider les enfants à verbaliser. Il est important que chaque enfant écoute le récit de ce qui a amené la bagarre du point de vue de l’autre. Le but n’est pas de relancer le débat sur la cause de la bagarre, mais que chacun expose son point de vue.

# Attirez l’attention de vos enfants sur les conséquences de la bagarre. « Est-ce que tu es content en ce moment ? », « D’après toi, est-ce que ton frère va te proposer de jouer avec lui après ce qui s’est passé ? », « Maintenant que vous avez cassé une des manettes, il n’est plus possible de jouer à deux ».

# Apprenez-leur les grands principes de la communication non-violente. C’est une méthode qui permet d’exprimer ses besoins en respectant les besoins d’autrui, et vice versa :

  • Étape 1. Décrire les faits. Tout d’abord, décrivez les faits que vous observez. Pas de jugement ou d’interprétation, qui favoriseraient le conflit, seulement une description des faits (“Tu parles avec ton ami sur Skype pendant que je travaille à côté”).
  • Étape 2. Décrire ses émotions. Ensuite, décrivez vos ressentis (“Cela m’agace”).
  • Étape 3. Décrire ses besoins. De quoi vous avez besoin en ce moment ? Exprimez-le clairement (“J’ai besoin de calme pour finir mes devoirs”).
  • Étape 4. Formuler votre demande. Qu’est-ce que vous voulez finalement demander à votre interlocuteur (“Pourrais-tu rappeler ton ami dans 2h ?”) ?

Souvenez-vous, la personne en face a également des émotions et des besoins. Elle voudra également les exprimer. Cette méthode peut s’avérer très efficace pour résoudre les conflits conjugaux ou familiaux mais pour cela il faut que toutes les parties comprennent l’objectif final : accepter et respecter les besoins de l’un et de l’autre pour harmoniser les relations.

# Veillez à faire descendre la tension générale dans la famille. La tension est toujours très forte lors de bagarres. Alors il faut tout faire pour éviter que la tension soit extrême. Prenez conscience de vos émotions et de celles de vos proches. Instaurez de nouvelles habitudes positives qui aident à faire redescendre la tension à toute la famille : moments de calme et de retrouvailles, création d’un collage ou d’un album de votre vie, liste de trois choses positives de la journée, pratique du yoga ou de la méditation en famille…

# Ne vous découragez pas : Réduire les bagarres des enfants est un processus qui ne se fera pas du jour au lendemain. Certains enfants sont plus enclins à se chamailler que d’autres. Donnez aux enfants la structure et les stratégies dont ils ont besoin pour faire face aux problèmes, mais n’oubliez pas qu’ils restent des enfants. Se disputer avec ses frères et sœurs fait partie intégrante de la vie !

Partager la fiche
Articles similaires

Ce site ne remplace en rien un avis médical. En cas d’urgence, appelez le 15 ou le 112.