Mon enfant de moins de 6 ans se met très vite en colère pour des raisons banales, que se passe-t-il ? 

Vous remarquez que votre enfant se met très souvent en colère pour des situations anodines comme une petite frustration, un sentiment d’injustice, la perte d’un jeu ou encore une difficulté scolaire. Il s’agit peut-être d’une dysrégulation émotionnelle. Cela désigne chez l’enfant une difficulté persistante à gérer, réguler ou exprimer ses émotions de manière appropriée et proportionnée aux situations. Cela peut se manifester par des réactions émotionnelles excessives, incontrôlées ou inadaptées à un contexte donné.

L’habileté à mieux contrôler ses émotions se développe peu à peu à mesure que le cerveau et le langage de l’enfant se développent. En grandissant, il peut progressivement exprimer ses émotions plus calmement et adapter ses gestes et ses réactions à la situation. Les comportements de type dysrégulation émotionnelle ont donc tendance à diminuer, d’autant plus si l’enfant est bien accompagné. 


Quelles sont les caractéristiques principales de la dysrégulation émotionnelle ?


# Des réactions émotionnelles intenses :

  • L’enfant peut avoir des colères soudaines, des crises de larmes ou une excitation incontrôlable face à des situations qui peuvent vous paraître mineures. 
  • Les émotions sont démesurées par rapport à l’événement déclencheur.
  • L’enfant peut avoir du mal à comprendre ou expliquer ce qu’il ressent sur le moment, ce qui peut augmenter sa frustration et donc sa réaction. 

# Des difficulté à apaiser ses émotions :

  • Une fois submergé par une émotion (colère, tristesse, frustration), l’enfant a du mal à revenir à un état de calme.
  • L’enfant agit alors sans réfléchir, par exemple en frappant ou en criant. Il paraît hors de contrôle.
  • Il peut avoir besoin d’aide extérieure (vous ou un autre adulte, par exemple) pour se réguler.

Quelles sont les causes et facteurs associés à la dysrégulation émotionnelle chez l’enfant ?


# Les causes neurobiologiques: Le cerveau des enfants est encore en développement et certains circuits neuronaux peuvent être encore immatures comme notamment le cortex préfrontal (CPF). Le CPF agit normalement comme un régulateur et un modérateur des émotions en inhibant les comportements impulsifs et en favorisant les comportements réfléchis et adaptés. C’est grâce à son intervention que nous pouvons transformer des réactions instinctives en réponses conscientes et socialement appropriées. Un CPF immature peut donc amener certains enfants à une réactivité émotionnelle excessive, des difficultés à inhiber les comportements impulsifs, et une intolérance à la frustration. 

# Le tempérament : Les enfants ayant un tempérament réactif ou sensible sont plus à risque de présenter une dysrégulation émotionnelle. Leur sensibilité les rend plus susceptibles de se sentir dépassés par des situations émotionnellement chargées, ce qui complique leur capacité à gérer ces émotions de manière adaptée.

# Des facteurs environnementaux : Un environnement stressant, ou des parents qui ont eux même des difficultés à gérer leurs propres émotions peuvent contribuer à l’apparition d’une dysrégulation émotionnelle chez un enfant. 

# Des troubles psychiatriques associés : La dysrégulation émotionnelle est souvent observée dans des contextes de troubles comme le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), les troubles du spectre de l’autisme (TSA), le trouble oppositionnel avec provocation (TOP), ou les troubles anxieux. 


Quelles sont les conséquences possibles de la dysrégulation émotionnelle?


# Impact sur les relations sociales : Les crises fréquentes peuvent entraîner des conflits avec les pairs, des difficultés à se faire des amis et un isolement. En effet, les enfants ayant une dysrégulation émotionnelle peuvent être perçus comme imprévisibles ou difficiles à comprendre par leurs camarades, ce qui peut réduire les opportunités d’interaction positive. Par ailleurs, leur incapacité à gérer leurs émotions peut les pousser à adopter des comportements agressifs ou de retrait, renforçant ainsi les tensions avec les autres. 

# Impact sur la scolarité : La gestion inappropriée des émotions et les crises répétitives en classe peuvent perturber l’apprentissage notamment en entravant les compétences attentionnelles et entraîner ainsi des lacunes académiques. De plus, leurs réactions émotionnelles imprévisibles peuvent provoquer des conflits récurrents avec les enseignants ou les camarades, créant un environnement scolaire peu propice aux apprentissages. 

# Impact sur la qualité de vie familiale : Les réactions émotionnelles intenses au domicile pour des situations mineures du quotidien pèsent sur la qualité de vie de la famille et peuvent gâcher les moments familiaux censés être agréables.  Les parents peuvent ressentir une sensation d’épuisement et de découragement. 

La dysrégulation émotionnelle chez l’enfant de moins de 6 ans est une manifestation normale du développement, mais elle peut devenir préoccupante si elle persiste ou perturbe significativement son quotidien et celui de sa famille. En comprenant ses causes et ses impacts, et en mettant en place des stratégies adaptées pour accompagner l’enfant, il est possible de l’aider à développer progressivement ses compétences émotionnelles et à mieux s’épanouir dans ses relations sociales, scolaires et familiales.

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Références

Auteurs

Alicia COHEN-FREOUA
Psychiatre

Richard DELORME
Chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Psychiatre

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