Ressources pour les parents qui subissent des violences de leur conjoint(e)

Dr Aline Lefebvre, Dr François Bange, Psychiatres, Dr Emmanuelle Peyret, Addictologue, Mathilde Kergroach, Marion Chapelain, Louise Genin, Assistantes Sociales, Centre d’excellence des troubles du neuro-développement, Hôpital Robert Debré, Paris, France

N’oublions pas que nous sommes toujours en train de lutter contre la propagation de la COVID-19 : dans ce contexte, beaucoup sont encore en télétravail. C’est un point positif pour la réduction de la propagation du virus, mais pour de nombreuses victimes, rester chez soi n’est pas l’option la plus sûre. Tout facteur qui ajoute au stress et à la tension financière peut avoir un impact négatif sur les victimes et créer des circonstances où leur sécurité est encore plus compromise.

Suis-je victime de violence de la part de mon (ma) conjoint(e)?

L’abus est une question de pouvoir et de contrôle. Lorsque les victimes sont forcées de rester plus fréquemment à la maison ou à proximité de leur agresseur, ce dernier peut utiliser n’importe quel outil pour exercer un contrôle sur sa victime, y compris un problème de santé national tel que COVID-19. À une époque où les entreprises peuvent encourager leurs employés à travailler à distance, et où l’on encourage la « distanciation sociale », un agresseur peut profiter d’une situation déjà stressante pour exercer un plus grand contrôle.

La violence physique est probablement ce à quoi la plupart des gens pensent quand on parle de violence domestique, mais ce n’est qu’une des nombreuses façons dont votre partenaire peut essayer de gagner du pouvoir et du contrôle dans votre relation. Cela peut arriver très lentement ou se produire très rapidement après une sorte de changement dans la relation, comme le mariage, le divorce, une grossesse, un emménagement ou une rupture, ou dans la situation de stress.

Comme beaucoup de gens, vous vous demandez si ce qui vous arrive peut être considéré comme de la violence domestique parce que votre partenaire ne vous a jamais frappé. Voici quelques exemples autres que la violence physique :

Isolement – empêcher ou rendre difficile pour vous de voir votre famille et vos amis; vous dire que la famille et les amis causent des problèmes ou essayent de « se mettre entre vous ».

Abus économique – avoir un contrôle total sur l’argent du foyer; vous obliger à rendre compte de chaque centime dépensé ; prendre le contrôle sur votre argent; ne pas vous permettre d’avoir un emploi ou d’aller à l’école.

Violence verbale, psychologique ou émotionnelle – vous insulter; vous rabaisser ou vous mettre dans l’embarras devant d’autres personnes; critiquer vos capacités en tant que partenaire et ou parent.

Intimidation – vous faire peur par un regard, une action ou un geste ; vous inciter à faire quelque chose en vous rappelant « ce qui s’est passé la dernière fois ».

Coercition et menaces – vous montrer une arme et vous menacer de l’utiliser sur vous ; menacer de « dévoiler » des choses intimes vous concernant à votre famille, amis ou employeurs ; menace de nuire à votre famille, à vos amis ou à toute personne à qui vous pourriez demander de l’aide ; menacer de se suicider et vous dire que ce serait votre faute.

Violence physique – pousser, saisir, frapper, gifler, donner des coups de poing, vous donner des coups de pied, vous étrangler, vous étouffer, vous brûler ou vous tirer dessus.

Si l’une des situations décrites ci-dessus semble vous arriver ou arriver à un de vos proches, voici quelques suggestions pour les victimes :

Elaborer un plan de sécurité

# Un plan de sécurité c’est quoi ? C’est un plan personnalisé et pratique qui permet de rester en sécurité pendant que vous êtes avec votre agresseur, tout en prévoyant de partir si nécessaire et qui vous permettra d’être en sécurité après votre départ.

# Identifiez ‘un lieu d’accueil’ : envisagez d’aller dans un hôtel, chez des amis ou votre famille. Connaissez l’emplacement de votre commissariat de police local.

# Rassemblez et conservez les documents importants dans un endroit sûr et facilement accessible, notamment, Passeports (pour vous et vos enfants), Cartes de sécurité sociale (pour vous et vos enfants), Certificats de mariage et de naissance, carnet de vaccinations des enfants et les dossiers scolaires, Permis de conduire, Détails du compte bancaire, Ordre de protection, Papiers de garde, Carte d’assurance médicale, Carte de la CAF, des photos sentimentales (y compris des photos de l’agresseur) et d’autres objets de valeur.

# Cachez de l’argent, un chéquier, une carte de crédit, un double des clés, des médicaments et un sac contenant les besoins de base pour vous et vos enfants.

# Documentez les abus que vous avez subi. Prenez des photos de vos blessures ; obtenez des copies des rapports médicaux et de police ; ou notez chaque incident dans un journal.

# Demandez de l’aide : prenez contact avec un service aux victimes 3919 : Obtenez un ordre de protection pour pouvoir en donner une copie à votre commissariat de police local et aux services de protection de l’enfance.

# Sécurisez vos enfants : Identifiez les personnes de confiance que vos enfants peuvent appeler s’ils ont peur tels que des membres de la famille, des amis, des voisins ; donnez à vos enfants leur téléphone portable et programmez des numéros d’urgence, apprenez-leur à comment et quand les utiliser. Identifier avec vos enfants des lieux sûrs où ils peuvent aller s’ils ont peur : dans la maison ou chez des voisins proches. Parlez avec vos enfants de la prudence à avoir avec l’utilisation des réseaux sociaux et photos qui pourraient être utilisées pour retrouver la famille.

# Si vous êtes en danger ou si vous avez été blessé par votre partenaire :

● Appelez le 3919 ou par SMS 114 si vous êtes en danger ou si vous avez été blessé par votre partenaire (vous pouvez aussi demander aussi à vos enfants, un voisin ou un ami de le faire à votre place).

● Apprenez à vos enfants à se mettre en sécurité lors d’un incident violent, par exemple dans leur chambre ou la maison d’un voisin.

# Que faire de vos animaux de compagnie ? Il existe un lien étroit entre la violence domestique et la cruauté envers les animaux. Parfois les abuseurs menacent ou maltraitent les animaux pour effrayer ou contrôler leur victime. Pour beaucoup de victimes, le devenir de leurs animaux de compagnie prend une place importante dans leur décision de partir. Il est donc important de l’intégrer dans le plan de sécurité. Quelques pistes si l’animal de compagnie paraît en danger au domicile après son départ : informez-vous à l’avance en fonction du lieu où vous allez vous réfugier si vous pouvez le(s) emmener avec vous (amis, hôtel), demandez à des voisins ou amis s’ils peuvent les accueillir le temps nécessaire, demandez conseil à votre vétérinaire pour le mettre en pension.

Mieux comprendre ce qui m’arrive pour mieux agir

# Pourquoi votre agresseur semble-il avoir un problème avec la colère ?

● Dans certains cas, ‘c’est la volonté de contrôle, et non la colère, qui est en réalité à l’origine de la violence de votre agresseur.

● Ces agresseurs se sentent en droit de dominer leur partenaire et- ils se mettent en colère s’ils n’obtiennent pas ce à quoi ils estiment avoir droit. Ils se mettent en colère si leur partenaire résiste à leurs exigences, essaie de reprendre le contrôle de sa propre vie, ou « ne répond pas » à leurs attentes.

● Cette colère peut être comparée à la rage au volant des conducteurs qui se sentent en droit d’aller beaucoup plus vite que les voitures qui les précèdent, par rapport à la gêne ordinaire que la plupart d’entre nous ressentent lorsque la circulation nous ralentit.

# Pourquoi votre agresseur exprime-il sa colère de manière abusive ?

● Pour vous faire peur, et cela fonctionne!

● Les expressions abusives de la colère ne sont pas incontrôlables – elles visent à contrôler le partenaire.

● Votre agresseur ne ressent probablement aucune obligation de s’exprimer correctement avec vous.

● Comme il n’a pas de répercussions négatives de ses colères, il continue d’exprimer sa colère envers les membres de leur famille.

# Votre partenaire a t-il un problème avec la colère ? Pour cela posez-vous quelques questions:

● La colère de votre partenaire est-elle une arme de contrôle ?

● Maîtrise-t-il facilement son tempérament, sauf lorsqu’il est avec vous ?

● Lorsqu’il est en colère contre quelqu’un d’autre, l’exprime-t-il poliment mais pas avec vous ?

● Fait-il des choses destructrices et blessantes lorsqu’il est en colère – vous insulter, jeter des choses, frapper les murs, lever la main sur vous, vous frapper ou vous menacer ? Avez vous la sensation que cela ne l’affecte pas de façon appropriée ?

● Comment vous traite-t-il quand il n’est pas en colère ?

● Lorsqu’il voit que sa colère vous effraie, a-t-il tendance à accentuer sa colère ?

● Vous dit il que sa colère est une excuse pour un comportement que vous auriez suscité ?

● Sa colère vous semble-t-elle souvent disproportionnée ?

Si vous avez répondu « oui » à plusieurs de ces questions, alors il faut penser que vous n’êtes probablement pas responsable de sa colère. Attention, faites preuve de prudence avant d’accepter de suivre une thérapie de couple qui pourrait s’avérer axée sur ce que vous faites pour rendre votre partenaire si furieux, plutôt que sur son utilisation abusive de la colère.

Vous aider pour aider vos enfants

Souvent vous vous posez la question dans l’autre sens, pour vous donner du courage pour rester avec un conjoint qui vous agresse. Et pourtant il faut avoir en tête que vos enfants subissent également indirectement la violence qui vous est destinée.

# ce que ressentent mes enfants quand je suis agressé(e).

● Les enfants plus jeunes (< 6ans) peuvent :

– Ne pas comprendre ce qui se passe et penser qu’ils ont fait quelque chose de mal ;

– Se sentir coupables, responsables, inquiets et anxieux ;

– Se renfermer, regresser dans leurs acquisition

– Vous coller plus que d’habitude

– Éprouver des problèmes de santé, tels que des maux de tête, de ventre et des difficultés à manger et à dormir.

● Les enfants plus âgés (6-12 ans) et les adolescents peuvent :

– Perdre l’intérêt pour les activités scolaires et connaître une chute des résultats

– Développer une faible estime de soi ;

– Se retirer ou éviter les relations avec leurs pairs ;

– Devenir rebelles et provocateurs à la maison ou à l’école ;

– Exprimer de la colère par des moyens tels que des crises de colère, de l’irritabilité;

– Répéter ces comportements envers la fratrie;

– Devenir agressifs envers le parent non violent;

– Développer des troubles alimentaires ;

– Consommer de l’alcool et des drogues (adolescents surtout)

# ce que vous pouvez faire pour aider vos enfants: Un facteur important pour aider les enfants à faire face à la violence domestique est leur relation avec vous. Les moyens de subvenir aux besoins de vos enfants :

Écoutez-les – Vous pensez peut-être qu’il est préférable de ne pas parler de la violence avec vos enfants, mais il est souvent utile pour les enfants de parler de ce qui se passe.

Aidez-les à exprimer leurs sentiments – Les enfants peuvent avoir différentes émotions et différents sentiments résultant de la violence. Les enfants savent souvent beaucoup sur l’abus qui se joue entre les parents. Vous pouvez encourager votre enfant à écrire dans un journal, à réaliser dessin ou peinture.

Ne pas « malmener » leurs sentiments pour l’autre parent – Il est important d’être honnête avec vos enfants, mais n’oubliez pas qu’ils aiment probablement encore leur autre parent et se soucient de lui. Leur faire savoir que c’est normal peut les aider à se sentir moins coupables ou moins anxieux.

Établissez un sentiment de sécurité et de sûreté – Passez plus de temps avec vos enfants et montrez leur votre amour et votre proximité physique; même dix minutes de jeu par jour avec un enfant en bas âge peuvent contribuer à se sentir aimé et en sécurité. Soyez cohérent avec vos enfants ; maintenez la discipline et les routines comme les devoirs et les repas.

Tenez compte des ressources extérieures – Il peut être utile de faire en sorte que votre enfant participe à des groupes d’activités extra-scolaires; faites les participer à des espaces de socialisation, entretenir les liens avec les copains de l’école;

Demandez un soutien psychologique – Envisagez d’impliquer le psychologue scolaire, l’assistant social ou le conseiller d’orientation. Il peut être utile de les consulter seul et/ou avec votre enfant.

# Faire aider vos enfants par des professionnels spécialisés : il existe une aide pour les enfants qui ont vécu avec de la violence. Des programmes de lutte contre la violence domestique proposent des services spécifiques, y compris des groupes de conseil et de soutien pour les enfants. Parlez aux institutions locales comme le service social de votre mairie sur la façon dont ils peuvent aider vos enfants et s’ils ont des références pour d’autres services à l’enfance.

Vers qui puis je me diriger ? Quelles sont les ressources extérieures de 1ère urgence ?

# Violences conjugales :

● Les sites https://stop-violences-femmes.gouv.fr/ et https://arretonslesviolences.gouv.fr donnent la possibilité de signaler sa situation en ligne sans passer par le téléphone, moyen de communication parfois difficile à utiliser en présence au sein du foyer de la personne maltraitante; Il est désormais possible pour les personnes victimes de violences conjugales de donner l’alerte dans une pharmacie, qui avertira directement les forces de l’ordre. Au cas où le conjoint imposerait sa présence, la femme pourrait utiliser un « code », par exemple : « masque 19 »

3919 ou par SMS 114 de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les week end et jours fériés. Il ne s’agit pas d’un numéro d’urgences.

# Violences sur mineurs :

● Le site https://www.allo119.gouv.fr/ donne la possibilité de signaler sa situation en ligne sans passer par le téléphone, moyen de communication parfois difficile à utiliser en présence au sein du foyer de la personne maltraitante;

119 24h/24 et 7J/7, en priorisant les appels des enfants.

# En cas de danger imminent, contactez la police ou la gendarmerie au 17 ou 112 d’un téléphone portable

Par précaution, pensez à effacer les historiques de navigation et d’appels téléphoniques afin d’éviter que votre conjoint(e), parent, ne puisse pas surveiller vos démarches.

Suis-je réellement en danger avec mon (ma) conjoint(e) ?

Comment puis-je estimer ce danger ?

Plusieurs facteurs de risque ont été associés aux meurtres de femmes battues. Vous pouvez utiliser ces questions pour essayer d’estimer la dangerosité de votre agresseur :

1 – La violence a-t-elle augmenté en fréquence au cours de l’année écoulée ?

2 – A-t-il déjà utilisé une arme contre vous ou vous a-t-il déjà menacé avec arme ?

3 – A-t-il déjà essayé de vous étouffer ?

4 – Possède-t-il une arme à feu ?

5 – Vous a-t-il déjà forcée à avoir des relations sexuelles alors que vous ne le souhaitiez pas ?

6 – Consomme-t-il de la drogue ? Par drogues, nous entendons « uppers » ou amphétamines, speed, poussière d’ange, cocaïne, « crack », drogues de rue ou mélanges.

7 – Est-ce qu’il menace de vous tuer et/ou croyez-vous qu’il est capable de vous tuer ?

8 – Est-il ivre chaque jour ou presque chaque jour ?

9 – Contrôle-t-il la plupart ou la totalité de vos activités quotidiennes ? Par exemple : est-ce qu’il vous demande avec quels amis vous pouvez être, combien d’argent vous pouvez prendre avec vous lorsque vous faites vos courses, ou quand vous pouvez prendre la voiture ?

10 – Avez-vous déjà été battue par lui lorsque vous étiez enceinte ?

11 – Est-il violemment et constamment jaloux de vous ? (Par exemple, est-ce qu’il vous dit : « Si je ne peux pas t’avoir, personne ne peut t’avoir »).

12 – Avez-vous déjà menacé ou tenté de vous tuer ?

13 – A-t-il déjà menacé ou tenté de se suicider ?

14 – Menace-t-il de nuire à vos enfants ?

15 – Avez-vous un enfant qui n’est pas le sien ?

16 – Avez-vous actuellement un(e) nouvel(le) petit(e) ami(e)?

17 – Est-ce qu’il vous suit ou vous espionne, laisse des notes menaçantes, essaie de détruire votre vie ou vous appelle quand vous ne voulez pas qu’il le fasse ?

Le total de oui répondus vous donne une estimation du danger : > 4 : dangerosité importante, > 8 dangerosité à très haut niveau. Ce questionnaire vous permet d’identifier le risque du danger, si > 4 et / ou modification récente il est nécessaire d’avoir recours au plan de sécurité, > 8 le plan de sécurité doit être mis en place en urgences.

Comment l’épidémie COVID-19 pourrait-elle avoir un impact particulier sur les victimes de violence intrafamiliale?

# Les partenaires violents peuvent cacher des produits indispensables, tels que du désinfectant pour les mains ou des désinfectants.

# Les partenaires violents peuvent partager des informations erronées sur la pandémie afin de contrôler ou d’effrayer les survivants, ou de les empêcher de chercher à obtenir des soins médicaux appropriés s’ils présentent des symptômes.

# Les partenaires abusifs peuvent refuser de délivrer des cartes d’assurance, menacer de résilier une assurance ou empêcher les victimes de consulter un médecin si elles en ont besoin.

# Les refuges peuvent être pleins ou même cesser complètement d’accueillir des personnes. Les victimes peuvent également craindre d’entrer dans les refuges parce qu’elles se trouvent à proximité de personnes en groupes.

# Les victimes plus âgées ou souffrant de maladies cardiaques ou pulmonaires chroniques peuvent être plus exposées dans les lieux publics où elles obtiennent généralement de l’aide, comme les refuges, les centres de conseil ou les tribunaux.

# Les restrictions de voyage peuvent avoir un impact sur le plan de fuite ou de mise en sécurité d‘une victimes – il peut ne pas être sûr pour elles d’utiliser les transports publics.

# Un partenaire violent peut se sentir plus motivé et intensifier ses tactiques d’isolement comme le montrent ces exemples recueillis de victimes:

• « L’agresseur utilisait le virus comme tactique de peur pour éloigner la victime de ses enfants ».

• « L’agresseur utilisait COVID-19 pour effrayer afin de dissuader de rendre visite à la famille. »

• « Un professionnel de la santé aurait rapporté s’être fait physiquement et verbalement maltraité par son compagnon agresseur, persuadé qu’il essayait de l’infecter avec COVID-19. »

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