Comment aider les enfants lors du décès d’un proche ?

Rédigé par Pr Richard Delorme, Dr Alexandre Hubert, Dr Emma Barron, Dr Eva Stantiford (pédopsychiatres)

Fiches pour tous

Souvent, la mort d’un proche est la première véritable expérience de la mort pour un enfant. Il s’agit d’une épreuve difficile pour une personne de tout âge, mais elle est particulièrement dure pour les jeunes. Les adultes pourraient douter de la manière de répondre aux besoins des enfants durant cette période. Ils pourraient se sentir bouleversés par leur propre chagrin et avoir des questions sur la manière d’expliquer un concept si difficile dans un langage que les enfants peuvent comprendre. Cette épreuve est d’autant plus difficile si elle survient de façon rapide et brutale.

Les enfants réagissent différemment au décès d’un proche en fonction de leur âge ou de leur stade de développement :

# De 0 à 2 ans : le tout-petit ne peut pas comprendre le concept de la mort. L’être cher n’est simplement plus là, comme s’il s’agissait d’un abandon ou d’une séparation avec la personne qui s’occupe d’eux. En conséquence, un enfant pourra réagir de diverses manières : être plus collant avec un parent ou feindre l’indifférence.

# De 2 à 6 ans : les enfants d’âge préscolaire commencent à comprendre le concept de mort, ils peuvent percevoir le décès comme quelque chose de réversible où les personnes décédées peuvent revenir à la vie (comme aller dormir puis se réveiller). Ils peuvent imaginer que le décès à avoir avec eux et penser que c’est leur faute et qu’ils sont punis pour s’être en quelque sorte mal comportés.

# De 6 à 11 ans : les enfants d’âge scolaire sont en mesure de comprendre que le décès est permanent, mais ils peuvent avoir des difficultés à comprendre pourquoi leur proche devait mourir.

# 12 ans et plus : les adolescents sont pleinement en mesure de comprendre que la mort est irréversible et que tous les êtres qui leurs sont proches, peuvent mourir. Toutefois, les adolescents ont malgré tout tendance à croire que la mort ne touche que les autres.

Les réactions éventuelles d’un enfant face au deuil :

# La tristesse : l’enfant exprime sa tristesse quant à la perte de l’être cher, ce qui constitue la réaction la plus typique face au deuil.

# La colère : perdre un être cher n’est pas juste. Cela peut engendrer de la colère et de l’irritabilité dirigées envers eux-mêmes ou les autres.

# Majoration de l’anxiété : perdre un être cher envoie le message que le monde est un endroit dangereux et insécure. Par conséquent, l’enfant peut ressentir de l’anxiété et avoir peur de mourir ou de perdre d’autres êtres chers, il peut devenir « collant » vis à vis des personnes qui s’occupent de lui.

# Choc/déni : l’enfant est si bouleversé du décès et il tente d’éviter d’y faire face. Cela peut inclure d’éviter de parler de la perte du proche.

# Culpabilité : dans certains cas, l’enfant peut s’en vouloir pour la perte de l’être cher. « Peut-être, si je m’étais mieux comporté… » « Peut-être si je n’avais pas dit à grand-mère que je la détestais cette fois-ci… »

# Difficultés de comportement : l’enfant peut se replier sur lui-même et ne plus participer aux activités familiales, ne plus suivre les instructions des adultes. Il peut également devenir agressif pour exprimer sa colère et sa tristesse en s’opposant et en adoptant une attitude provocatrice et agressive.

# Acceptation : l’enfant accepte la perte de l’être cher, il apprend à vivre avec, il est en mesure d’aller de l’avant avec sa vie et de parler du décès.

Comment aider les enfants lors du décès d’un proche ?

La survenue du décès d’un proche est une épreuve importante pour les enfants. Les parents et toute la famille, ont un rôle majeur dans la stabilité affective des enfants. Face à la perte d’un être cher, il est tout à fait naturel qu’un enfant ait davantage besoin de la personne ou des personnes qui s’en occupent, et en conséquence, votre enfant peut se montrer plus « collant » qu’à l’habitude

# Répondez aux questions d’un enfant, faites-en sorte que vos réponses soient brèves et simples. Consultez la fiche « Que dire à mon enfant quand il parle de la mort ? »

# Ne vous sentez pas obligé de fournir toutes les réponses.

# Permettez à l’enfant de faire son deuil. Notez que pour certains enfants, le véritable deuil sera retardé.

# Écoutez ce que l’enfant a à dire et comment il le dit. On peut si on le souhaite parler du proche décédé, d’histoires le concernant, de sentiments positifs ou négatifs concernant la personne (l’enfant peut être bloqué dans le processus de deuil et avoir de la colère ou de la culpabilité vis à vis de la personne décédée). Par exemple « Parfois nous sommes fâchés avec les gens qu’on aime. Serais-tu fâché contre (personne décédée) ? »

# Parlez de manière honnête de la mort avec votre enfant afin qu’il puisse commencer à comprendre que la mort est définitive. Évitez les euphémismes, car les jeunes enfants ont tendance à comprendre les choses de manière littérale (éviter les images de repos ou sommeil le défunt ne va pas « revenir »).

# Adapter votre langage au niveau de compréhension de l’enfant :

o « Grand-mère est tombée malade et elle est morte » peut s’avérer problématique, car ensuite l’enfant sera préoccupé par le fait de tomber malade. Poursuivez votre explication plutôt en disant « Grand-mère était si malade que rien ne pouvait l’aider, pas même les médicaments habituels ».

o « Grand-mère est allée à l’hôpital, puis elle est morte » peut s’avérer problématique car votre enfant peut avoir peur que les personnes qui se rendent à l’hôpital ne meurent. Expliquez plutôt que « Normalement, les personnes guérissent à l’hôpital, mais grand-mère était tellement malade qu’elle est morte ».

# Reconnaissez et acceptez les sentiments de l’enfant :

o Rassurez l’enfant dites lui que le choc, l’incrédulité, la culpabilité, la tristesse et la colère sont des sentiments normaux.

o Ne niez pas les sentiments, ne lui dites pas « Ne sois pas triste », mais plutôt, reconnaissez simplement leur douleur et offrez-lui votre soutien, « oui, c’est triste. C’est difficile. Je t’aime. Viens dans mes bras… »

o Réassurez l’enfant en lui disant : « Qu’il sera toujours pris en charge et aimé par un adulte », « Qu’il ne doit pas s’en vouloir pour le décès », « Qu’il n’aura pas pu empêcher le décès », « Qu’il ne peut pas faire revenir la personne qui est décédée ».

o Rassurez l’enfant quant à sa propre situation vis à vis de la maladie. Faites attention à ce que l’enfant ne devienne très inquiet face à un risque de contamination pour lui ou pour sa famille.

# Soyez patient et cohérent avec les réponses si l’enfant pose sans cesse les mêmes questions.

# Rassurez l’enfant sur la situation des autres personnes de son entourage. L’enfant peut craindre de perdre d’autres personnes « âgées ». Les enfants se demandent souvent, en toute logique, s’ils vont perdre d’autres personnes qu’ils aiment. La meilleure solution consiste à dire quelque chose de simple, comme « je m’attends à rester ici pendant longtemps ».

# Tentez de poursuivre les activités habituelles dans la mesure du possible, de manière à ce que les enfants sentent que la situation est sous contrôle. N’interrompez pas les activités familiales et conservez le rythme du quotidien.

Funérailles

# Les avis sont partagés sur la question de savoir si les jeunes enfants doivent assister aux funérailles. Les enfants doivent être avec leur famille pendant le processus de deuil, mais les funérailles peuvent être accablantes pour les jeunes enfants.

# Favoriser un temps de recueil en famille. Cela peut être un substitut acceptable à la participation aux funérailles proprement dites.

# Si vous désirez que votre enfant assiste aux funérailles, alors passez en revue ce qui se passera afin qu’il soit préparé. Faites-en sorte que l’enfant soit en compagnie d’un adulte calme tout au long des funérailles.

# Préparez l’enfant aux faits que les larmes ou la tristesse des parents sont fréquentes dans ces situations et que c’est une manière d’exprimer sa tristesse et de rendre hommage au grand – parent décédé. Certaines personnes vont pleurer, quand d’autres peuvent rire et parler, c’est leur façon de se souvenir du défunt.

# Permettre à l’enfant de placer une photo ou une lettre à proximité du cercueil peut parfois être réconfortant.

Poursuivre le processus de deuil

# Certains enfants trouvent du réconfort dans les jours qui suivent un décès en regardant ou même en portant des photos du proche. Un jouet spécial ou un souvenir associé au défunt peut également être réconfortant.

# Un enfant qui traverse le processus de deuil peut devenir anxieux et collant ou en colère et rebelle. Il peut se plaindre de symptômes physiques tels qu’un mal de tête ou d’estomac ou avoir des difficultés à se concentrer durant les activités que vous lui proposez à la maison.

# Parfois les nuits sont plus difficiles avec des cauchemars et des difficultés pour s’endormir. Soyez tolérants au tout début, en exprimant d’emblée que c’est une tolérance mais que cela ne va pas durer. Au bout de 2 ou 3 jours, il faut que les habitudes d’endormissement reprennent leurs rythmes habituels. N’hésitez pas à lui donner des petits cartes chances ; Par exemple, il aura une carte chaque soir avec lequel il pourra se lever et demander un bisou ou un verre d’eau. S’il arrive à ne pas les utiliser, alors il sera récompensé le lendemain matin.

# Levez le pied sur les activités trop contraignantes, mais garder un rythme qui sera rassurant. Ne pas interrompre totalement les devoirs par exemple, mais introduisez plus de pauses agréables.

# Évitez que votre enfant se réfugient dans des activités trop solitaires (jeux vidéo en particulier, sauf si c’est pour jouer en famille ; ou encore des temps de lecture trop long). Favoriser une alternance de moments ensemble en famille (si vous en avez la force) et des moments « calmes » où la solitude peut être acceptable.

# Il est normal pour un enfant d’être triste, de ressentir de la colère, de l’anxiété ou de la culpabilité ou même de montrer des problèmes liés au comportement lorsqu’il fait son deuil.

# Ces changements de comportement disparaîtront probablement en quelques semaines. Si ce n’est pas le cas, l’enfant peut avoir besoin de parler à une psychologue. Essayez les consultations en Visio-conférence qui sont efficaces et favorisent une certaine spontanéité, ce qui n’est pas toujours le cas lors d’une consultation dans un bureau qui peut effrayer.

# Parents vous n’êtes pas seuls à devoir gérer la tristesse de votre enfant. N’hésitez pas à demander de l’aide à vos proches ou à des professionnels.

# Il est important de ne pas laisser un tabou s’installer autour du sujet de la personne décédée. N’ayez pas peur de mentionner le nom de la personne et de partager un souvenir occasionnel de celle-ci. Cette pratique renforce l’idée que la mort est un élément naturel de la vie plutôt que quelque chose de surnaturel et d’effrayant.

# Au fil du temps, concentrez-vous sur le fait d’offrir à votre enfant un environnement rassurant. Des jeux actifs, des jeux humoristiques…

# Durant cette période de deuil, n’hésitez pas à diminuer l’accès aux médias qui diffusent parfois des informations stressantes, ce qui peut être particulièrement angoissant pour les enfants. Cette impression de continuité majore considérable le stress des enfants. L’enfant se demande si après un proche, cela sera les parents et même lui. Il faut la rassurer et éviter de le confronter à ces informations ou aux discussions que vous pourriez avoir sur les autres problématiques sociétales.

La mort et la religion

# Une question qui peut être délicate après un décès est celle de la religion, en particulier pour les familles interconfessionnelles ou les familles composées d’un mélange de croyants et de non-croyants.

# Si votre enfant a été élevé dans un foyer religieux, vous placerez probablement le décès dans un contexte religieux. Il est important que le message transmis à l’enfant soit le plus cohérent possible, en accord avec vos croyances et celle votre entourage.

# A l’opposé si vous n’avez pas élevé votre enfant dans un contexte religieux, il n’est pas nécessaire introduire de nouvelles idées sur Dieu et l’au-delà à un moment aussi traumatisant. Cela peut être plus déroutant que consolant.

# Dans les deux cas, si un enfant pose des questions difficiles, il est normal de dire simplement que vous n’avez pas toutes les réponses.

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