La constipation est une plainte fréquente des enfants ayant un trouble autistique ou autre trouble du neurodéveloppement. Que faire ?

Rédigé par Isabelle Husson (neuropédiatre), Anita Beggiato, Anna Maruani (pédopsychiatres), Alexis Mosca (gastropédiatre)

La constipation est un problème médical qui nécessite un avis médical chez votre médecin généraliste, pédiatre ou gastro-entérologue afin d’établir avec vous la prise en charge la plus adaptée. 

 


 

1- Pourquoi faut-il traiter le problème ?

# La constipation est source de gêne et d’inconfort pour l’enfant et peut notamment provoquer des maux de ventre, une perte d’appétit et une incontinence fécale (aussi appelée encoprésie = selles ou traces de selles dans la culotte).

# Cette gêne peut retentir sur le comportement de votre enfant, comme pour tout autre enfant, mais avec une intensité parfois plus importante (irritabilité, crises de colère, parfois même agressivité). D’autant plus si votre enfant a du mal à verbaliser son inconfort, ou même à comprendre ce qui lui arrive. 

# Une baisse de l’appétit, des douleurs abdominales, du sang dans les selles ou en s’essuyant peuvent également être des conséquences d’une constipation. 

# Si on ne traite pas la constipation chez l’enfant, elle peut s’aggraver avec le temps et peut devenir une constipation chronique. D’autre part, la constipation peut freiner ou empêcher l’acquisition de la propreté.

# Enfin, si la constipation s’accompagne d’encoprésie, votre enfant aura souvent  une mauvaise image de soi.

 


 

2- Le cycle infernal  de la constipation

# Habituellement lorsque l’enfant a un transit normal, lorsqu’une selle de taille normale se trouve dans le rectum (la partie basse de l’intestin), la selle   se comporte comme un ballon et dilate  le rectum, ce qui provoque une sensation d’envie d’aller sur les toilettes pour déféquer.

# Lorsque l’enfant est constipé

  • Les selles s ’accumulent dans le rectum qui se distend plus que la normale. Le rectum peut alors prendre l’habitude d’être trop rempli et ne signale plus une envie d’aller à la selle quand il est plein avec une selle de taille normale.
  • Avec le temps et l’accumulation, comme la taille de la selle est anormalement grosse, cela demande un effort de poussée important difficile à faire pour un enfant et peut même être douloureux. Dans certains cas, cela peut occasionner des complications comme des plaies pouvant saigner au niveau de l’anus (appelées fissures anales), ceci peut expliquer la présence de sang lors de l’essuyage avec le papier WC.

 

# En raison de la douleur ressentie, l’enfant retient ses selles de plus en plus, ce qui augmente la constipation et sa peur de passer aux toilettes. Cela peut finir par mener à des selles de très grande taille qui ne peuvent plus être évacués de manière spontanée (appelées fécalomes).

# Attention : l’utilisation de suppositoires ou d’un thermomètre ou toute autre manipulation pour essayer d’aider l’évacuation des selles peuvent être contre productives en participant à ce cercle vicieux car cela peut être douloureux pour votre enfant et renforcer sa peur d’aller à la selle.

 


 

3- Conseils diététiques et activités physique : Boire, Manger, Bouger

# Boire de l’eau 

Votre enfant a besoin de boire régulièrement et en quantité suffisante.

° Les selles sont dures car elles ne sont pas suffisamment hydratées et c’est une des grandes causes de la constipation. Tout comme il ne pense pas à aller aux toilettes, il ne pense pas à boire suffisamment. Demander peut être, pour certains, très compliqué.

° Il ne faut pas hésiter à laisser à disposition de l’eau en permanence, parfois le choix du contenant a son importance : gourde, verre avec paille incorporée, petite bouteille avec un embout « cycliste » etc. L’avantage est aussi que, de cette façon, on peut contrôler la quantité bue par jour.

° Les temps « boisson » peuvent être inscrits dans l’emploi du temps. L’AESH en classe, quand présente, peut aussi avoir pour mission de faire boire l’enfant régulièrement.

° L’eau d’Hépar peut être utilisée car elle est riche en magnésium et en calcium. Pour certains, l’eau d’Hépar de 1 à 4 verres par jour peut aider à améliorer la constipation.

° Pour certains, boire de l’eau est compliqué, « il n’aime pas l’eau » entend-on. Les sodas et boissons sucrées ont tendance à constiper entre autres problèmes (attention aux caries !). Si l’eau « pure » est difficile à faire boire à votre enfant, vous pouvez par exemple, utiliser un sirop avec son parfum préféré (si possible sans sucre) dans l’eau et diminuer la quantité de sirop pour progressivement s’en passer. L’important dans un premier temps est de boire en quantité suffisante.

° Les jus en quantité raisonnable peuvent être utilisés car ils favorisent le transit : jus d’orange frais, de pomme, de raisin etc… Les jus de fruit peuvent être dilués si besoin avec de l’eau en fonction des goûts de l’enfant.

# Les aliments qui favorisent le transit

° Vous trouverez sur internet, les aliments qui favorisent le transit, ils sont nombreux : légumes et fruits, légumineuses, céréales complètes, yaourts avec probiotiques etc…

° Néanmoins, l’objectif est d’avoir un régime le plus varié possible et aucun aliment n’est interdit (il a le droit au riz, au chocolat, aux bananes …)

°  Il peut être difficile de faire face à une sélectivité alimentaire. Cependant, il est important de noter que le choix d’aliments adaptés est souvent plus large qu’on ne le pense. La constipation étant un problème chronique, il est essentiel de prendre le temps de progressivement modifier les habitudes alimentaires de votre enfant afin de favoriser un transit régulier.

# L’activité physique régulière favorise un bon transit

° L’activité physique (sport, marche, course, montée des escaliers, etc.) entraîne la contraction des muscles intestinaux. 

° Comme les intestins se contractent plus, le processus d’élimination des selles est plus fluide, celles-ci descendent plus rapidement vers le rectum et ne restent pas bloquées en cours de route.

° Le sport permet une accumulation réduite à l’intérieur de l’intestin. Le sport augmente très souvent la force des muscles de la respiration (le diaphragme) et du ventre, les abdominaux. Ces muscles sont importants pour la poussée lors de l’évacuation des selles.

 


 

4-  10 règles pour mettre en place la routine d’hygiène à mettre en place au quotidien 

1. Aller avec lui aux toilettes et prendre le temps nécessaire à cet apprentissage

# Les enfants ne pensent pas à aller aux toilettes régulièrement, cela s’apprend ! De plus, les passages aux toilettes sont souvent associés au pipi et parfois trop rapides (s’il n’y a pas de pipi, on enlève souvent trop rapidement l’enfant des toilettes).

2. Il faut ritualiser, le passage aux toilettes pour aller à la selle avec au moins deux passages par jour : 

# Environ 10 à 15 minutes après avoir pris un repas, il est fréquent de ressentir une envie d’aller à la selle en raison d’un réflexe naturel.C’est le bon moment pour accompagner votre enfant aux toilettes.

# En établissant des horaires réguliers, on encourage également l’enfant à faire ses selles à la maison, ce qui évite de s’inquiéter s’il les a faites ailleurs et d’être confronté à des périodes prolongées sans selles. Cela permet à l’enfant de comprendre que faire ses selles est une action volontaire et que cela ne « survient pas » de manière imprévisible.

3. Passer un temps suffisant aux toilettes, cela s’apprend aussi.

# Un temps pour cela doit être prévu dans son l’emploi du temps de votre enfant. Il faut lui laisser du temps (10 à 15 min sur les toilettes) et renforcer positivement  en le félicitant du fait qu’il soit resté sur les toilettes tout ce temps qu’il y ait des selles ou pas, surtout au début.

# Au départ, on ne peut pas laisser l’enfant tout seul et faire autre chose en attendant. Pour beaucoup d’enfants, c’est au début un moment stressant, ils ont besoin de votre soutien. Il faut l’accompagner dans cet apprentissage comme pour tout le reste ou lui réapprendre les « bonnes pratiques » sans que cela soit un moment forcément de solitude.

# Il est important de trouver des stratégies pour que l’enfant reste aux toilettes suffisamment longtemps et que cela ne soit pas vécu comme une punition.

4. Une bonne installation aux toilettes est indispensable.

# Il faut que cela soit propre et confortable ! Être en équilibre instable sur une lunette de toilettes trop grande, le dos non tenu, les pieds dans le vide peut générer du stress pour l’enfant. Pour pousser, il faut que les pieds soient en appui sur le sol. Les jambes doivent être bien fléchies, les genoux un peu au-dessus des fesses. 

# Un adaptateur est indispensable pour les petits, éventuellement avec un dosseret. Il faut prévoir un petit tabouret, rehausseur (comme celui que l’on peut utiliser pour que l’enfant soit à hauteur du lavabo dans la salle de bain) pour que l’enfant soit bien installé : toucher le sol de la pointe des pieds suffit pour l’équilibre mais ne suffit pas pour pousser. L’installation doit être ritualisée aussi, cela fait comprendre à l’enfant pourquoi il est là.

5. Comment pousser pour que cela soit plus efficace ?

# Pour pousser, il ne faut pas se contenter d’utiliser seulement les muscles du ventre mais plutôt contracter  le diaphragme. Le diaphragme est un grand muscle qui sépare le thorax et le ventre et il fonctionne avec la respiration. 

# Une méthode efficace consiste à apprendre à l’enfant à inspirer profondément (prendre beaucoup d’air), puis à fermer la bouche et à expirer fortement par la bouche, comme pour souffler un grand coup. 

6. Il est important de féliciter l’enfant qu’il y ait une selle ou pas, s’il est resté un temps suffisant.

# Ne pas interrompre tout de suite après la première selle (il peut y en voir d’autres et l’enfant ne va pas le dire).

7. Noter la fréquence des selles et faire un calendrier.

# L’idéal est d’accrocher au mur des toilettes un calendrier, ce qui permet de se rendre compte plus tôt d’une absence de selles depuis plusieurs jours. S’il est constipé, c’est plus difficile pour lui et il faut plus de temps… Vous pouvez faire participer votre enfant qui pourra mettre un autocollant pour chaque selle. 

8. Noter l’aspect des selles.

# La constipation ne se limite pas seulement à une fréquence réduite des selles, elle implique également des selles dures plus difficiles à évacuer voire douloureuses. 

# Il existe une échelle de Bristol des selles : cela va du type 1 (selles dures et morcelées ) au type 7 (diarrhée, selles liquides). Ce qui est souhaitable pour l’enfant car non douloureux, c’est une selle de type 4 (selle moulée, assez molle, en forme de saucisse)

# Vous pouvez noter sur le calendrier de quel type sont les selles de votre enfant et faites le  participer s’il le peut à cette évaluation en affichant aussi l’échelle de Bristol des selles dans les toilettes. Beaucoup d’enfants adorent voir ces images qui apportent un aspect « ludique » :  cela peut faire  partie des renforçateurs que l’on peut  utiliser.

9. Essuyer délicatement les fesses de votre enfant et ne pas oublier qu’il peut avoir mal au niveau de l’anus si l’évacuation des selles a été difficile.

# Parfois quand la zone est très sensible, il faut d’abord humidifier le papier toilette ou plus simplement utiliser une lingette. Si l’enfant peut, veut le faire, la lingette est plus facile à utiliser au début.

# Pensez à ne pas tout obtenir en même temps, l’essuyage (efficace) est un autre apprentissage.

# C’est comme le bain, on peut apprendre à se savonner mais ensuite le parent repasse derrière pour « compléter » ou « vérifier ». 

10. Dernières étapes : le rhabillage et le lavage des mains 

# Cela vient en fin de processus, il faut se souvenir que là aussi, on ne peut pas tout obtenir en même temps et que l’enfant a déjà fait beaucoup d’efforts et y a consacré du temps.

#  N’hésitez pas à l’aider si besoin pour le rhabillage et le lavage des mains

 


 

5- Questions / réponses pour aller plus loin

# Que faire lorsque mon enfant a un “accident” lié à la constipation ?

    • Lorsque votre enfant a un “accident » lié à la constipation, il ne le fait pas intentionnellement. Il ne s’agit pas d’une forme d’opposition de sa part. 
    • La constipation qui induit un inconfort et parfois des douleurs est une condition médicale qui nécessite un traitement approprié. Il est important de comprendre que l’enfant ne doit pas être puni pour cela. Cela pourrait en effet renforcer l’idée que tout ce qui concerne les selles est source de mal être, et agir comme un renforcement négatif qui entrave l’apprentissage.
    • Attention à ne pas stigmatiser la situation. La constipation et l’encoprésie ne sont pas des signes d’une difficulté psychiatrique ou psychologique.

 

# Combien de temps cela va prendre ? 

  • Comme tout apprentissage, cela ne se fait pas en un jour. Il faut être patient, se fixer des objectifs réalisables et s’y tenir sans découragement. Cela prend souvent des mois et c’est normal. Il peut y avoir des « rechutes » et c’est aussi normal.
  • Un échec ne signifie pas que cette méthode ne convient pas, il faut persévérer sans se décourager et ne pas hésiter à en parler, consulter s’il n’y a aucun progrès.
  • La mise en place de ce protocole pour aller à la selle correspond à ce qui est dit lors des consultations de gastro-entérologie pour constipation en première intention. Appliquer ces conseils n’est jamais une perte de temps.

 

# Comment expliquer la constipation à mon enfant ? 

  • Il faut parler à l’enfant de ce sujet comme un autre et expliquer les choses simplement en s’adaptant à ce qu’il peut comprendre. Ce n’est pas quelque chose de mystérieux que l’on évite d’aborder avec l’enfant. Il faut rassurer, poser des questions si besoin (« as-tu mal ? ») et expliciter oralement chaque étape si besoin. Certains enfants ont besoin de comprendre d’où viennent ces selles car ce qui n’est pas compris peut inquiéter et contrairement à beaucoup d’autres domaines, il ne peut pas apprendre par imitation.
  • Il y a des livres qui expliquent la digestion aux enfants tels que Le grand livre animé du corps, Mini Doc’ Le corps humain. L’utilisation d’un support visuel représentant l’évacuation des selles peut aider à la compréhension : certains de ces livres permettent même de tirer sur une languette pour simuler le mouvement d’élimination des selles.

 

# Quand dois-je agir ?

  • Le plus tôt sera le mieux ! Il ne faut pas penser que cela va s’arranger tout seul. Le plus souvent, cela s’aggrave si on néglige le problème. Votre enfant a besoin d’être aidé et le plus tôt possible sera le mieux pour lui. Plus on attend, plus le cercle vicieux se met en place et plus il faut du temps pour que cela s’améliore progressivement.
  • Il n’est jamais trop tard pour bien faire, même après des années difficiles, votre enfant et vous-même y gagneront en qualité de vie.

 

# Est-ce normal pour mon enfant avec trouble du spectre de l’autisme ou trouble du développement intellectuel qu’il souffre de constipation ?

  • Ce n’est pas parce que votre enfant présente un trouble du neurodéveloppement, comme un trouble du spectre de l’autisme ou un trouble du développement intellectuel, qu’il est normal qu’il soit constipé et qu’il souffre de cela. Cela touche beaucoup d’enfants sans trouble du neurodéveloppement également. Le mécanisme est le même et la conduite à tenir sera la même. Il faut juste adapter les préconisations générales au cas particulier de votre enfant, ce que vous faites déjà au quotidien pour d’autres aspects. 
  • Ce n’est pas un « petit problème » par rapport à d’autres difficultés, cela rend plus difficile la vie de votre enfant et donc la vôtre aussi au quotidien.

 

# Quand dois-je consulter ?

  • Il est important de consulter votre médecin dès que vous identifiez une constipation chez votre enfant.
  • Les mesures d’hygiène et d’éducation décrites sont nécessaires au rétablissement d’un transit régulier et confortable mais ne suffisent pas à elles seules à traiter la constipation et à prévenir de nouveaux épisodes. L’association de ces mesures avec un traitement médicamenteux est généralement indispensable.
  • Votre médecin pourra alors vous conseiller d’associer un traitement médicamenteux à ces mesures et permettre de traiter la constipation et d’en éviter les conséquences à moyen et long terme.  
  • Il faut garder à l’esprit que l’objectif est que votre enfant ait une selle normale quotidienne (type 4 de l’échelle de Bristol).
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