Mon enfant a moins de 6 ans, il s’agite, il s’oppose, est-ce un TDAH ?

Rédigé par Dr Eric Acquaviva, Dr Elie Khoury, Dr Valérie Vantalon (pédopsychiatres).

L’opposition, l’agitation, les colères chez le jeune enfant sont un motif fréquent de préoccupation des parents.

Doit-on considérer qu’il s’agit d’un simple passage ? Comment le prendre en charge ? Doit-on se poser la question de l’existence d’un TDAH ?

Ce sont ces questions auxquelles nous essaierons de répondre dans cette fiche.


Est-il “normal” que mon enfant de moins de 6 ans s’oppose, s’agite, fasse des caprices, se mette en colère ? Quand dois-je m’en inquiéter et demander de l’aide ?

  • L’impulsivité, l’inattention, l’agitation, les colères sont en effet des manifestations fréquentes à cet âge. 
  • Certains considèrent même qu’il peut s’agir d’une phase du développement de l’enfant. C’est le fameux “terrible two” ou “crise des deux ans” ou “phase du non” qui est considéré par certains comme une période d’autonomisation de l’enfant qui se caractériserait par des comportements d’opposition. 
  • Quoi qu’il en soit, c’est l’intensité de ces comportements, leur fréquence, les mises en danger,  le prolongement dans le temps des difficultés  et leur retentissement sur l’enfant dans son quotidien ainsi que sur le vôtre qui doivent alerter et inciter à demander de l’aide. Nous détaillerons dans le paragraphe suivant ce retentissement négatif. 

 

Pourquoi demander de l’aide ?

Ces comportements, quel que soit l’âge, lorsqu’ils sont sévères et durables peuvent entraîner des conséquences négatives pour l’enfant, sa scolarité, sa socialisation et sa vie familiale. Cela peut se traduire par :

  • Des prises de risque (par exemple traverser la rue de façon impulsive sans regarder),
  • Des blessures ou des traumatismes en lien avec la précipitation (par exemple heurter un meuble, rater une marche d’escalier) ou la prise de risque (par exemple en grimpant ou sautant de lieux surélevés),
  • Au domicile, des relations détériorées avec les parents ou la fratrie du fait de comportements d’opposition et d’agressivité qui peuvent générer des réactions de stress et de colère, 
  • A la crèche ou à l’école avec des comportements perturbateurs, des difficultés dans les acquisitions,
  • Dans les relations sociales, des comportements pouvant entraîner un rejet de la part des autres enfants et un isolement social du fait de difficultés à s’adapter au rythme des autres ou d’une attitude trop brusque ou intrusive,
  • Une réduction des activités, des sorties ou des loisirs par les parents de peur des comportements de colère, d’agressivité ou de mises en danger de l’enfant, ce qui peut majorer d’autant plus l’isolement. 

Face à ces difficultés il est important de demander une aide professionnelle. Cette demande d’aide peut aussi être l’occasion d’enclencher une démarche de dépistage d’un trouble psychiatrique et/ou du neurodéveloppement qui pourrait expliquer les difficultés de comportement de votre enfant comme : des atteintes cognitives, un trouble du langage, un trouble de la communication et des interactions sociales, et parfois, un TDAH.

Néanmoins, et indépendamment du diagnostic, l’existence de difficultés comportementales persistantes et invalidantes doit inciter à mettre en place des interventions thérapeutiques. Ces interventions seront bénéfiques pour votre enfant et favoriseront son épanouissement personnel, social et familial, quand bien même le diagnostic de TDAH ne serait pas confirmé par la suite.

 

Quelles aides solliciter ?   

Face aux comportements perturbateurs de l’enfant de moins de 6 ans, la prise en charge peut associer :

  • Une aide destinée aux parents sous forme de programmes de psychoéducation et de guidance. On peut citer notamment :
    • Le programme triple P de parentalité dite positive destinée aux parents d’enfants et adolescents de 0 à 12 ans. Il se définit  de la sorte : un programme de soutien à la parentalité qui ne dit pas comment être parent, mais consiste plutôt en une trousse à outils et à idées. Vous choisissez les stratégies dont vous avez besoin et la façon dont vous voulez les mettre en pratique. Bref, tout ce qu’il faut pour que Triple P fonctionne pour vous”. Ce programme peut être réalisé avec des psychologues formés à cette approche ou  à travers des modules suivis en ligne : https://www.triplep-parentalite.fr
    • Le programme Barkley qui est plus spécifiquement destiné aux parents de patients avec TDAH et qui a pour objectif de limiter l’impact des comportements difficiles associés au TDAH dont vous pourrez trouver le contenu des séances dans cette fiche : https://www.clepsy.fr/programme-dentrainement-aux-habiletes-parentales-dans-le-tdah-modele-de-barkley-en-8-seances/
    • Ce type d’aides et de guidance parentale  peut aussi être réalisé de façon plus informelle en consultation par des psychologues ou psychiatres formés à ces approches. 
  • Des aménagements scolaires pour éviter le plus possible la stigmatisation des comportements négatifs, le sentiment de rejet  et  le retentissement académique mais aussi sur l’estime qu’a l’enfant de lui-même. Cela peut consister en de simples aménagements scolaires comme, par exemple : placer l’enfant devant, accorder des temps calmes ou des occasions de bouger entre 2 tâches, la mise en place de signaux d’alerte entre le professeur et l’enfant jusqu’à la demande d’un AESH ou l’adaptation du temps scolaire.
  • Une prise en charge comportementale pour les enfants qui vise à  ce que l’enfant ait une meilleure prise de conscience de ces comportements et notamment des mises en danger et obtenir des modifications de comportement avec l’utilisation de contrats de comportement ou de tableaux à points par exemple. Pour plus de détails sur la mise en place de ces interventions comportementales, vous pouvez consulter la fiche récapitulative suivante qui vous renvoie également vers 4 autres fiches spécifiques : ici
  • La prise en charge médicamenteuse à cet âge doit survenir en seconde intention, être faite par un spécialiste et être justifiée par un retentissement sévère et l’échec des prises en charge non médicamenteuses. 

 

Devant de telles difficultés avant l’âge de 6 ans, quels sont les éléments qui peuvent m’orienter plus spécifiquement vers un TDAH ? 

Comme il l’a été dit précédemment, les symptômes du TDAH à savoir l’agitation motrice, l’impulsivité, l’opposition et l’inattention sont peu spécifiques dans cette tranche d’âge.

C’est donc un faisceau d’arguments qui, associés, peuvent constituer un niveau de préoccupation suffisant pour  va amener à se questionner sur l’existence d’un TDAH : 

  • Tout d’abord, l’intensité, le retentissement et la persistance de plusieurs symptômes (agitation, impulsivité, inattention) que l’on peut retrouver et mesurer par le questionnaire ADHD-RS.
  • L’existence chez votre enfant d’autres difficultés ou troubles du développement associés : trouble du langage, trouble des coordinations motrices, trouble du spectre de l’autisme par exemple…
  • Des antécédents familiaux chez les parents, ou dans la fratrie notamment de TDAH ou d’autres troubles neurodéveloppementaux.
  • Des complications ou antécédents lors de la grossesse ou de l’accouchement  : une prématurité ou un problème de croissance du fœtus par exemple.

 

A partir de quel âge le diagnostic de TDAH peut-il être fait ?

Le diagnostic de TDAH peut être établi dès l’âge de 4 ans selon l’association américaine de pédiatrie.

Néanmoins avant l’âge de 4 ans, l’existence de plusieurs des éléments de risque cités précédemment, associée à des difficultés comportementales persistantes et invalidantes doit inciter, même en amont d’une confirmation d’un diagnostic, à mettre en place des interventions thérapeutiques qui favoriseront son épanouissement social, scolaire et familial.

 

Quelle est l’expression clinique du  TDAH avant l’âge de 6 ans ?

Elle est essentiellement caractérisée avant l’âge de 6 ans par l’impulsivité, l’agitation motrice et des comportements agressifs.

Les symptômes le plus souvent retrouvés sont :

  • Une activité motrice plus importante ou plus difficile à canaliser,
  • Une impulsivité avec des mises en danger fréquentes,
  • Une excitabilité,
  • Des difficultés à jouer de manière harmonieuse avec les autres ou des jeux moins élaborés,
  • Des capacités d’attention plus brèves, peu de temps passé sur une même activité, même si les difficultés attentionnelles sont moins souvent évidentes à cet âge que chez les enfants plus âgés ou les adolescents,
  • Une irrégularité des cycles physiologiques (faim/satiété, veille/sommeil), un sommeil agité,
  • Des réactions émotionnelles impulsives vives : crises de colère, crises de pleurs difficile à réconforter,
  • Des difficultés à se conformer aux consignes et des comportements d’opposition,
  • Des difficultés à intégrer et à appliquer les petites routines du quotidien et à établir des habitudes,
  • Une sollicitation fréquente de l’adulte.

 

Comment diagnostique-t-on un TDAH avant 6 ans ?

La démarche diagnostique est avant tout clinique. Elle est la même que pour les autres tranches d’âge, elle repose :

  • Sur l’examen clinique du patient par le médecin,
  • Sur l’interrogatoire des parents et le recueil de données cliniques à l’aide de questionnaires destinés aux parents et aux enseignants comme l’ADHD RS ou le questionnaire de Conners.

Le diagnostic est difficile à cet âge du fait :

  • Du caractère non spécifique des symptômes de TDAH dans cette tranche d’âge 
  • Des diagnostics différentiels pouvant entraîner des comportement similaires.

Par ailleurs, les troubles associés au TDAH sont fréquents : avant l’âge de 6 ans, ils sont présents dans ¾ des cas. 

C’est le Trouble Oppositionnel avec Provocation qui est le plus fréquent et qui est retrouvé dans plus de la moitié des cas. Peuvent également être associés des troubles du développement du langage ou des coordinations motrices dans près d’un quart des cas. D’autres troubles neurodéveloppementaux comme les tics, ou le Trouble du Spectre de l’Autisme peuvent également être associés. Les troubles anxieux sont quant à eux retrouvés dans un peu plus de 10% des cas.

Le bilan neuropsychologique quant à lui, doit être adapté à l’âge :

    • Le test de QI (évaluation de plusieurs fonctions cognitives et du niveau de fonctionnement cognitif global) le plus utilisé est le WPPSI (Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence). Il peut être réalisé entre l’âge de 2 et 6 ans.
  • Certains tests visant à évaluer plus spécifiquement les fonctions attentionnelles et exécutives peuvent être réalisés à partir de l’âge de 5 ans. Le plus connu est le test de la NEPSY.

D’autres bilans pourront être réalisés en fonction des difficultés de l’enfant et des points d’appel lors de l’évaluation médicale, soit pour évaluer l’impact du TDAH sur les autres domaines du développement de l’enfant, soit à la recherche d’autres troubles potentiellement associés au TDAH ou de diagnostics différentiels :

  • Bilan orthophonique pour les troubles du langage, 
  • Bilan psychomoteur pour le trouble des coordinations, 
  • Bilan des compétences sociales pour les troubles du spectre autistique.

Des bilans médicaux tels que l’examen de l’audition ou de la vision sont souvent réalisés pour vérifier que les difficultés ne sont pas mieux expliquées par un déficit auditif ou visuel. 

D’autres bilans paracliniques peuvent également réalisés en fonction des points d’appel cliniques afin d’éliminer une cause médicale, par exemple : bilan biologique avec dosage de l’hormone thyroïdienne pour éliminer un problème thyroïdien, un électroencéphalogramme pour éliminer une épilepsie.

 

Quelles sont les prises en charge spécifiques pour mon enfant  de moins de 6 ans ayant un TDAH ?

Des prises en charge spécialisées du TDAH existent à cet âge là. Elles sont avant tout non médicamenteuses et reposent également : 

  • Des programmes de psychoéducation et de guidance pour les parents comme le groupe Barkley déjà évoqué plus haut.
  • Des aménagements scolaires pour favoriser la disponibilité et le comportement en classe sur le modèle de ceux ci-dessus.
  • Une prise en charge comportementale pour l’enfant.
  • La psychomotricité peut également être envisagée avec pour objectif la régulation du comportement moteur. 

Le traitement médicamenteux par méthylphénidate n’a pas l’autorisation de mise sur le marché avant 6 ans. Il sera donc prescrit dans de rares cas par un spécialiste et en cas d’échecs des prises en charge médicamenteuses et lorsque le retentissement le justifie. 

La prise en charge devra également inclure la prise en charge des comorbidités : rééducations pour les troubles des acquisitions du langage ou des coordinations, prises en charge psychothérapeutique et/ou psychoéducative spécifiques d’autres troubles.

 

Messages-clés et prises en charge

  • Même si les comportements d’opposition, de colère, d’agitation sont fréquents à l’âge préscolaire, leur permanence, leur sévérité et leur retentissement doivent inciter à une démarche diagnostique et une prise en charge.
  • La prise en charge précoce de ces difficultés est primordiale, même en amont de la confirmation d’un éventuel diagnostic, afin de prévenir le plus possible des conséquences délétères pour l’enfant sur le plan scolaire, familial, social et psychologique.
  • Des prises en charge existent. Elles associent une aide pour les parents, des adaptations scolaires, une prise en charge comportementale de l’enfant. Le traitement médicamenteux est un traitement de seconde intention et doit faire l’objet d’un avis spécialisé.
  • Dès cet âge, une démarche diagnostique spécifique du TDAH qui inclut la recherche des facteurs de risques et des troubles associés peut également être menée.
  • Des prises en charge spécialisées du TDAH existent à cet âge là. Elles sont avant tout non médicamenteuses.
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