Mon enfant rumine sa nourriture : il a un mérycisme. Que faire ?

Rédigé par Hélène Poncet Kalifa, psychologue ; Dr Anaël Ayrolles, psychiatre ; Dr Coline Stordeur, pédopsychiatre, Centre de Référence Anorexie Mentale à Début Précoce

Le syndrome de rumination, souvent appelé mérycisme en France, est rare mais inquiète énormément les parents et probablement l’enfant. Qu’est-ce que ce comportement alimentaire atypique ? Comment aider votre enfant ?

 


Qu’est-ce que le mérycisme ou le syndrome de rumination ?

# Ce terme désigne des régurgitations répétées de nourriture, juste après les repas, pendant au moins 2 mois. Les aliments sont ensuite re-mastiqués, ré-avalés ou recrachés.

# Ces régurgitations ne surviennent pas après des nausées. L’enfant ne rumine pas dans son sommeil.

# Le mérycisme, ce ne sont pas des vomissements (éjection forcée du contenu de l’estomac par la bouche) et ce n’est pas juste du reflux gastro-œsophagien (remontée de liquide acide provenant de l’estomac).

# La physiopathologie du mérycisme est mal connue. et il semble majoré par le stress et par l’angoisse.

 


Pourquoi  n’arrive-t-il pas à se retenir ? Une régurgitation non volontaire – non intentionnelle.

# C’est devenu presque comme un automatisme contre lequel il est difficile pour l’enfant de lutter. Parfois, pour certains, ce comportement serait perçu comme apaisant tandis que d’autres enfants veulent arrêter de ruminer mais n’y arrivent pas tout seul. 

# Une prise en charge pluridisciplinaire est nécessaire dans tous les cas.

 


Quels enfants peuvent être concernés par le mérycisme ?

# Près de 2 % des enfants seraient concernés. Les enfants et adolescents de tous âges peuvent ruminer de la nourriture.

# Environ la moitié des enfants qui ruminent de la nourriture auraient un autre trouble des conduites alimentaires associé.

# Le mérycisme est parfois associée à l’anorexie mentale, à la boulimie ou à d’autres troubles des conduites alimentaires mais il est aussi associé à des troubles anxieux, au trouble obsessionnel compulsif, au trouble dépressif, et parfois aussi aux troubles des apprentissages, au trouble déficit attentionnel avec ou sans hyperactivité. Il est parfois associé aux troubles du spectre de l’autisme (avec ou sans déficience intellectuelle).

 


Comment le repérer ?

# Certains signes non spécifiques ou certaines maladies doivent faire rechercher un mérycisme

  • Mauvaise haleine
  • Érosions dentaires, caries
  • Trouble des conduites alimentaires : anorexie mentale, autre trouble restrictif des conduites alimentaires (notamment ARFID, en français, trouble de restriction/évitement de l’ingestion d’aliments), boulimie…

 

Le mérycisme est rarement évoqué spontanément par la personne qui en souffre, c’est aux professionnels de santé de poser la question aux patients pour le repérer.

 


Est-ce que c’est grave ?

# Cela vient souvent aggraver le pronostic des troubles associés, en particulier parce que cela majore la mauvaise image de soi, et stigmatise un peu plus l’enfant atteint. Le regard des pairs ou des proches est souvent très négatif.

# En tant que tel, la plupart des patients seront traités en ambulatoire. Seuls les cas les plus sévères ou chroniques, qui sont rares, peuvent nécessiter une hospitalisation à temps plein.

 


Comment aider votre enfant ? Que faire au quotidien ?

# Expliquer : La psychoéducation est essentielle

Il faut pour cela expliquer le trouble sans stigmatiser votre enfant. Noter avec votre enfant les inconvénients de ce mérycisme (haleine, état nutritionnel, état bucco-dentaire…) et les avantages à faire cesser ce comportement, afin de favoriser une certaine motivation au changement. Il est nécessaire que l’enfant ait envie d’arrêter de ruminer pour travailler plus efficacement à faire disparaître ce symptôme.

 

# Initier : un suivi spécialisé et pluridisciplinaire est indispensable

  • Avec un pédopsychiatre: il posera un diagnostic sur son ou ses troubles psychiatriques il organisera les suivis psychiatriques/psychologiques avec l’aide de professionnels de santé (suivi psychologique de type TCC, suivi pédopsychiatrique, éventuellement traitement médicamenteux si nécessaire, en complément de la psychothérapie…)
  • Avec un psychologue comportementaliste (TCC). Cela permet de travailler la motivation aux changements, les modifications de comportement, les dimensions émotionnelles.
  • Avec un gastro-entérologue : Estimera le retentissement du mérycisme. Il évaluera le retentissement sur la croissance et la présence d’éventuels facteurs aggravant le syndrome de rumination.
  • Avec un dentiste : Faire une visite chez le dentiste pour un contrôle bucco-dentaire

 

# Enseigner :  la relaxation et les stratégies de distraction seront utiles  

  • Il faut également prévoir des occupations distrayantes après les repas. Le fait d’être occupé peut distraire l’enfant de ses symptômes de mérycisme.
  • La respiration diaphragmatique, C’est une respiration profonde et lente pendant au moins 5 minutes, sans déglutition, bouche ouverte à l’expiration. On l’appelle aussi respiration abdominale ou profonde. Cette technique doit être apprise à l’enfant par un professionnel de santé. Il sera nécessaire d’accompagner son enfant à la maison dans la réalisation des exercices, au moins dans un premier temps, et dans la durée si l’enfant est jeune. Les exercices sont à faire tous les jours, après les repas, en prévention du mérycisme, pendant 5 minutes environ. La technique de respiration diaphragmatique peut aussi permettre d’interrompre un mérycisme en cours.

 

# En pratique :

  • Assis avec une main sur le ventre 
  • Inspirer longuement par le nez de façon que le ventre se remplisse et soulève la main
  • Expirer lentement et complètement pas la bouche en laissant le ventre se dégonfler
  • Se concentrer sur les sensations de la respiration, sur le passage de l’air dans les narines, sur le souffle, en se relaxant à chaque expiration.
  • Un entraînement régulier est nécessaire.

 

# Certaines études de cas rapportent l’intérêt de l’utilisation de chewing-gum sans sucre comme un outil efficace pour stimuler la salivation et la déglutition avec un bénéfice sur la diminution des comportements de mérycisme. Cette stratégie n’a pas fait l’objet d’étude scientifique validée et présente donc un faible niveau de preuve, elle peut toutefois représenter une astuce complémentaire aux techniques de respiration diaphragmatique. Les chewing-gums sans sucre seront toutefois consommés avec modération. 

 

 

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