Mon enfant souffre d’une phobie : Comment l’accompagner ? 

Rédigé par Ana Louvel (psychologue), Dr Alicia Cohen (pédopsychiatre)

Vous avez lu notre première fiche pour comprendre ce qu’était une phobie spécifique et en quoi  certains comportements pouvaient agir comme des “mécanismes de maintien” de la phobie (notamment l’évitement).  

Cette deuxième fiche sur le thème des phobies spécifiques traite des stratégies concrètes pour accompagner votre enfant et l’aider à atténuer progressivement sa phobie.Avant toute chose, il s’agit de lui montrer  que vous comprenez ce qu’il ressent et que vous prenez en compte sa peur excessive concernant l’objet ou la situation de la phobie; que vous comprenez aussi  qu’il n’est pas capable pour l’instant de maîtriser cette peur mais que vous allez l’accompagner pour s’en débarrasser 

Le traitement de la phobie repose sur un principe fondamental qui est l’inverse de l’évitement: l’EXPOSITION, et elle doit se faire progressivement.  

En quoi consiste “l’exposition progressive et répétée” ? 

L’exposition progressive est graduelle c’est-à-dire que l’on fixe à l’enfant des objectifs d’abord faibles et atteignables puis de plus en plus anxiogènes. Il est important de ne pas le mettre en échec  en le poussant à se confronter trop tôt à une situation qui est encore trop difficile pour lui. 

Avec l’exposition progressive à la situation qui fait peur , l’anxiété augmente transitoirement, puis se stabilise pendant un certain temps, et ensuite redescend. L’exposition doit être assez prolongée pour que l’anxiété retombe. Cette baisse de l’anxiété est naturelle, elle est sous-tendue par des mécanismes neurophysiologiques qui protègent notre organisme du stress trop prolongé. 

La répétition de l’exposition (objectif fixé au préalable) va permettre à l’anxiété, petit à petit,  de diminuer en intensité et de durer moins longtemps à chaque fois avant de redescendre. C’est ce qu’on appelle le phénomène d’habituation. La situation pourra alors être vécue avec de moins en moins d’inquiétude. C’est alors qu’un nouvel objectif d’exposition pourrait être fixé. Plus les expositions sont réalisées régulièrement et fréquemment, plus rapidement et plus efficacement l’enfant pourra diminuer sa peur. 

Lorsque l’enfant accepte de faire face à la situation redoutée, grâce aux objectifs qu’il considère atteignables et fixés en amont, il est en train d’arrêter d’éviter.  Avec la diminution des évitements, iI va constater que l’anxiété diminue d’elle-même, et qu’il est capable d’affronter la situation qui lui fait peur.


Schéma d’anxiété et courbe d’habituation. Si l’enfant s’expose plusieurs fois à la même situation (schéma de votre droite), à chaque répétition l’anxiété montera moins (elle sera moins intense) et d’une moindre durée que la fois précédente (habituation).


Concrètement, comment faire des expositions progressives?

ÉTAPE 1 Parler avec votre enfant sur ce qui lui fait peur 

Il est d’abord fondamental de questionner votre enfant : « qu’est-ce que qui te fait peur par rapport à cet objet ou à cette situation, peux-tu m’en parler? ». Avec les informations qu’il vous donnera, vous pourrez passer à l’étape 2. 

Avec l’exemple de  la phobie des pigeons, l’enfant pourra répondre :

S’il est difficile pour votre enfant de verbaliser, il peut vous dessiner ce qui lui fait peur. Vous pouvez l’encourager après à mettre des mots sur ce qu’il a exprimé sur le papier.


ÉTAPE 2 Établir une hiérarchie des peurs

Avant de débuter un programme d’exposition, il est fondamental d’établir une liste en  hiérarchisant les peurs que votre enfant vient d’exprimer, de ce qui lui fait le moins peur à ce qui lui fait le plus peur. 

L’exposition commencera par ce qui est le plus facile pour votre enfant. Par exemple, s’il supporte mieux d’écouter le bruit qu’un pigeon fait que de le regarder, on peut lui proposer d’abord d’écouter quand le pigeon roucoule (mais sans le voir). Une fois que le niveau d’anxiété aura disparu concernant le roucoulement, il sera possible d’envisager l’étape suivante.

Pour établir une hiérarchie entre les peurs, vous pouvez utiliser avec votre enfant une échelle graduée afin qu’il “note” chaque peur en fonction de son intensité,  en lui proposant « Revenons sur la liste de tes peurs. Sur une échelle de 0 à 10, sachant que 10 est une « peur très intense, peur maximale » et que 0 signifie « pas de peur », quelle est l’intensité de la peur que tu ressens pour chaque item? ».

L’utilisation de cette échelle permettra à votre enfant à préciser ses peurs et les nuancer (« Ce n’est pas le pigeon tout entier ce qui me fait peur, sinon seulement quelques caractéristiques de celui-ci « ).

Exemple de cotation d’un enfant qui présente une phobie spécifique des pigeons : 

Sur l’exemple on observe que ce sont les caractéristiques physiques du pigeon ce que l’enfant craint le plus (les pattes, le bec, qu’il ait des plumes) , les notes oscillant entre 6 et 10. La peur de toucher un pigeon et de se rapprocher (toutes les deux également d’une forte intensité) serait en relation directe avec le rejet des caractéristiques physiques du pigeon qui sont perçues par le sens de la vue.

Que le pigeon vole semble l’inquiéter en moindre mesure (intensité moyenne).

Les caractéristiques sonores de l’objet (roucoulement du pigeon) semblent être moins inquiétantes pour cet enfant (intensité faible).


ÉTAPE 3 Démarrer l’exposition en se confrontant à ce qui fait peur, en respectant la hiérarchie 

L’étape suivante est que votre enfant puisse se confronter progressivement aux différents aspects de l’objet qui lui fait peur. Il se sentira rassuré si on lui propose de commencer par ce qui lui fait moins peur. Nous prenons ici l’exemple de la phobie du pigeon pour illustrer une proposition de programme d’exposition progressive. 

  1. Exposition à ce qui déclenche une peur d’intensité faible: Ici le son du pigeon qui vole. Pour s’exposer aux sons, il est possible de proposer à un enfant d’écouter des enregistrements (par exemple, des sons produits par l’animal dont il a peur). Vous pouvez très facilement les retrouver sur internet !

Lors des premières expositions, l’anxiété sera sûrement encore élevée; mais après plusieurs répétitions de l’enregistrement (par exemple, une fois par jour) l’anxiété aura diminué (à 0 ou à 1). Il sera alors possible d’avancer en faisant une exposition en situation réelle (exposition in vivo) : par exemple, l’enfant va dans un endroit (comme le balcon de son appartement ) où il pourrait écouter des pigeons mais sans risquer d’en croiser un.

  1. Exposition à ce qui déclenche une peur d’intensité moyenne: Ici voir un pigeon qui vole près de lui. Pour s’exposer progressivement au vol, il est possible d’accompagner l’enfant à un endroit où il y a d’autres animaux ou insectes volants que les pigeons. L’enfant pourra ainsi se rapprocher d’autres oiseaux ou des insectes qui lui ne font pas peur, ou qu’il trouve intéressants (ce qui pourrait même le motiver à s’exposer).

L’idée est  de répéter cette exposition autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que l’anxiété ait diminué (à 0 ou à 1) quand l’enfant est en présence d’autres animaux volants que le pigeon.

Concernant les ailes, il est possible de s’exposer tout d’abord à une plume (qui peut appartenir à un autre animal qu’au pigeon, voire à une fausse plume!). Pour avancer progressivement, il est important encore une fois d’interroger votre enfant : « Qu’est-ce que tu te sens capable de faire avec cette plume, qu’est-ce qu’il serait plus facile pour toi de faire avec ? ». Vous pouvez faire des propositions : la regarder ? la toucher ? jouer avec ? »

  1. Exposition à ce qui déclenche une peur de forte intensité: Ici voir le bec ou la saleté du pigeon. 

Lorsque vous arrivez à cette étape, l’enfant se sera déjà prouvé à lui-même qu’il est capable de diminuer son anxiété par la répétition d’expositions, ce qui pourra le motiver pour maintenir les efforts !

Pour s’exposer aux caractéristiques physiques de l’objet,  que l’enfant perçoit à travers de la vue, il est possible de mettre en place ce qu’on appelle les techniques de floutage, permettant de rendre floue une image ou une partie de celle-ci. L’image n’étant pas nette, l’enfant pourra accepter plus facilement de la regarder (peut-être de loin au début) pour progressivement se rapprocher de celle-ci, voire la toucher !

Dans notre exemple, il s’agira de flouter la photo d’un pigeon. Pour le faire, il est possible d’utiliser du papier calque, en sachant que plus de feuilles de papier calque sont ajoutées, plus la photo deviendra floue. On commence par mettre plusieurs feuilles de papier sur l’image du pigeon, pour demander à l’enfant s’il se sent capable de la regarder . En prenant compte de sa réponse, il est possible d’ajouter encore des feuilles pour rendre l’image plus floue ou d’ en enlever si c’est trop facile pour lui.

L’enfant commence ainsi par s’exposer à une image de pigeon qui n’est pas nette (avec une quantité de feuilles qui lui conviendra) jusqu’à ce que la peur disparaisse (niveau 0 ou 1). L’idée est d’enlever progressivement les feuilles jusqu’à ce que l’enfant soit capable de rester présent à l’image du pigeon sans besoin de floutage.

Si pour l’enfant il reste trop compliqué de s’exposer à une image , il est possible de lui demander s’il serait plus facile pour lui de s’exposer à un dessin avant de passer à l’image.

Pour faciliter les expositions à l’image ou au dessin, l’enfant peut s’éloigner ou se rapprocher de celle-ci selon ses possibilités. Encore une fois, il est fondamental de respecter ce que l’enfant dit être capable de faire.


ÉTAPE 4 L’exposition à l’objet phobogène en présence physique (exposition « in vivo »)

Après l’exposition à différentes caractéristiques ou à des situations associées à l’objet, il sera plus facile pour l’enfant  de l’exemple de commencer à envisager la possibilité d’être en présence d’un pigeon (réel cette fois), et on parle alors d’exposition “in vivo”. Cet étape peut être précédée de ce qu’on appelle l’exposition “en imagination” , lors de laquelle on propose à l’enfant de s’assoir dans un endroit calme (pas en présence de l’objet de sa phobie) et d’ imaginer, pendant quelques secondes, qu’il est proche de l’objet phobogène. Cet exercice imaginaire permet à l’enfant d’anticiper et ainsi continuer à préparer la confrontation à l’objet.

Encore une fois, lors de l’exposition « in vivo », il sera fondamental d’être à l’écoute de l’enfant et de respecter ce qu’il se sent capable de faire sans le pousser au-delà de ses limites pour continuer à surmonter progressivement sa peur.

 

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