Sommeil et adolescence: que se passe-t-il ?

Rédigé par Dr Benjamin Pitrat, Dr Elie Khoury (Pédopsychiatres), Hélène Poncet-Kalifa (Psychologue)

Vous aviez bâti avec votre enfant une hygiène de sommeil que vous pensiez solide, cela fait
plusieurs années qu’il ne se réveille plus la nuit, et voici que, depuis quelques temps, vous le
surprenez à 2h du matin pleinement éveillé, sur son téléphone portable ou autrement occupé,
ou que vous avez toutes les peines du monde à le tirer du lit le matin. Que s’est-il passé ?

Le sommeil : un phénomène naturellement changeant entre les différentes périodes de la vie

# Les enfants ont souvent tendance à être des “couche tôt, lèvent tôt”. Tendance qui
s’inverse à l’adolescence avec des jeunes plutôt “couche tard, lève tard”, ou “plus du soir”
comme on les entend souvent dire. Les choses se stabilisent à l’âge adulte, pour ensuite
repartir dans le sens inverse chez les personnes âgées, qui à nouveau auront une tendance à
se coucher et se lever tôt.
# Le fait que les adolescents repoussent encore et encore leur heure de coucher est donc
d’abord dû à un décalage biologique NATUREL du processus d’endormissement
notamment expliqué par une sécrétion plus tardive de mélatonine (l’hormone du sommeil), au
niveau de leur cerveau. Ce qui explique aussi que le processus de réveil soit également
retardé. On parle d’un décalage, ou d’un retard de phase.
# Ce principe général, bien qu’universel, n’empêche pas une variabilité importante entre les
adolescents sur leurs horaires de sommeil, même entre frères et sœurs.

Des facteurs aggravants

Plusieurs facteurs viennent en plus renforcer ce décalage de phase :

# Les rythmes sociaux de la vie d’adolescent : les adolescents ont un rythme de vie qui a
tendance à devenir plus volontiers du soir : grosse charge de devoirs à domicile, activités
sportives ou autres après les cours, temps de socialisation (restaurant, cinéma, soirées)…

# La consommation d’écrans en fin de journée : jeux vidéo, réseaux sociaux, séries
télévisées… toutes ces activités auront tendance d’une part à repousser l’heure de l’endormissement, mais surtout d’autre part à rendre cet endormissement plus compliqué à obtenir : maintien d’un haut niveau de stimulation du cerveau et du corps, blocage de la sécrétion de l’hormone du sommeil par la “lumière bleue” des écrans LED. De plus, toutes ces activités étant plus amusantes et motivantes que le sommeil pour les adolescents, elles auront tendance à s’auto-entretenir : un épisode en entraîne un autre, une partie en motive une autre…

# La consommation de substances : les stimulants comme le café, la nicotine (en cigarette
ou vapoteuse), les boissons gazeuses et les boissons énergisantes, sont consommés de façon
régulière par une proportion de plus en plus importante des adolescents, dans des contextes
sociaux, de préparation d’examens… Mais sont les ennemis numéro 1 du sommeil. D’autres
substances, comme l’alcool et le cannabis, bien que sédatives et pouvant faciliter
l’endormissement, altèrent significativement l’architecture et donc la qualité du sommeil :
l’enchaînement et les proportions de chacun des stades du sommeil étant perturbés, le sommeil
est de fait moins récupérateur !

Résultat des courses : les adolescents n’ont pas sommeil, voire même sont particulièrement
actifs le soir, quand vous vous évertuez à les coucher, et n’ont qu’une envie le lendemain matin,
quand vous tentez de les réveiller à temps pour les cours, c’est de rester au lit. Et quand bien
même ils réussissent à être à l’heure, ils finissent par accumuler une dette de sommeil en semaine, qu’ils compensent en weekend par de longues grasses matinées, lesquels décalent
encore plus leur endormissement et donc leur cycle par la suite !

Que faire ?

« Motiver » l’adolescent à dormir, en l’accompagnant pour remarquer les effets néfastes
du manque de sommeil sur son quotidien :

– Sur sa mémoire
– Sur ses capacités de concentration
– Sur ses émotions : irritabilité, sautes d’humeur, sensibilité au stress
– Sur son niveau d’énergie : envie de dormir en classe, dans les transports, s’endormir
devant la télé…
– Sur son appétit et son alimentation

Il peut être intéressant, sur une période d’une semaine, de réaliser un petit carnet d’auto-
observation où l’adolescent pourrait noter ses heures de coucher, d’endormissement, de réveil ainsi que son humeur et son énergie durant la journée. Il peut aussi noter de façon très
concrète, en donnant des exemples, ce qui a pu perturber son sommeil ou ce qui a pu l’aider à
se rendormir. Cela peut être l’occasion de remarquer une sensibilité au bruit, des difficultés à
gérer le temps de devoirs, le besoin d’un moment de solitude… Cela développe bien sûr la
connaissance de soi, mais donne aussi des pistes pour organiser un quotidien en accord avec
les besoins de votre enfant.

Quelques repères : Les règles de base d’une bonne hygiène de sommeil restent de mise :

Les horaires :

# Essayer de maintenir des horaires réguliers de sommeil, en semaine comme en weekend.
Éviter les siestes et les grasses matinées ! Le corps et le cerveau doivent mettre en place des
habitudes qui vont permettre de régler leur horloge interne.
# Nombre d’heures de sommeil recommandées à l’adolescence : 8 à 10 heures par nuit.
L’objectif est de s’en approcher le plus possible
# Pendant le week-end et les vacances : essayer le plus possible de maintenir des horaires
similaires à ceux de la période scolaire. Tolérer 1h de décalage en moyenne.

L’environnement :

# Favoriser une bonne obscurité dans la chambre le soir, et une bonne exposition à la
lumière du jour le matin. Ce qui garantit une meilleure sécrétion de mélatonine.
# Faire en sorte que la chambre soit calme, tempérée et ventilée.
# Si l’enfant partage sa chambre avec l’un de ses frères ou sœurs, établir des règles permettant
de respecter les habitudes et besoins de chacun.
# Associer le lit au sommeil : on évite de dormir ailleurs que dans son lit et, en cas d’insomnie,
ne pas rester au lit à regarder les minutes passer. Au bout de combien de temps sortir du lit ?
Le cerveau associera lit avec insomnie ! Il est préférable d’aller se poser au calme dans une autre pièce, avec une faible lumière, en évitant les activités stimulantes.

Limiter ce qui maintient éveillé :

# Pas d’écrans après 18h, et tant que possible, pas d’écrans dans la chambre à coucher. Si
possible, mettre le smartphone ou la tablette à charger dans une autre pièce. Sinon la tentation
est trop forte ! Notamment en cas de réveil la nuit.
# Pas de stimulants à partir de 15h, et pas d’alcool ou de cannabis pour essayer de faciliter
l’endormissement.
# Le repas du soir doit être léger mais rassasiant. Un repas trop lourd gênera
l’endormissement, un repas trop maigre entraînera des signaux de faim qui réveillent
l’adolescent en pleine nuit.

Mettre en place des habitudes qui favorisent la détente et l’endormissement :

# Pratiquer une activité sportive soutenue, qui permettra au corps de ressentir la fatigue et le
besoin de récupération. Mais pas de sport trop tard non plus !
# Le soir, favoriser plutôt des activités apaisantes comme la lecture, la musique, le dessin, les
podcasts, les jeux de société ou la méditation. Vous pouvez établir avec votre enfant une petite
liste de toutes les activités calmes possibles, parfois, ils manquent un peu d’inspiration !
# Mettre en place une routine de coucher : à tout âge ! Refaire les mêmes actions chaque soir
permet petit à petit de signaler au corps et à l’esprit l’approche du coucher et favorise
l’endormissement.

Expérimenter, observer, ajuster :

Nous n’avons pas tous les mêmes besoins. N’hésitez pas à tester plusieurs horaires, routines et
habitudes pour voir celle qui convient le mieux à votre enfant et à son organisme !

Place des traitements et de la prise en charge spécialisée ?

# Comme nous l’avons vu, le décalage de phase du sommeil est un phénomène naturel à
l’adolescence, souvent aggravé par de mauvaises habitudes, et les médicaments, surtout chez
l’adolescent, doivent toujours être en second recours et de courte durée, accompagnés par
un professionnel, souvent le médecin généraliste.

# C’est la mélatonine (très proche de la mélatonine existant déjà dans le cerveau) qui est en
général privilégiée. Elle peut aider à induire l’endormissement et à recaler les cycles de
sommeil.
# En cas de doutes sur des troubles du sommeil plus importants, comme par exemple
l’apnée de sommeil (ronflements, pauses respiratoires, fatigue importante la journée, souvent
aggravée par le surpoids), une consultation avec un spécialiste du sommeil pourra être
envisagée (voir https://reseau-morphee.fr).
# Les troubles du sommeil peuvent parfois être un symptôme d’une souffrance
psychologique sous-jacente : on voit alors des adolescents présentant une insomnie
particulièrement sévère accompagnée de ruminations ou au contraire s’enfermant dans un
« sommeil refuge » toute la journée. Une consultation avec un spécialiste de la santé
mentale (psychiatre, psychologue) est alors nécessaire pour faire le point.
# De même en cas de doute sur une consommation de produits psychoactifs une
consultation avec un professionnel de l’addictologie est possible, sur tout le territoire
français, dans des structures adaptées, les CJC (consultations jeunes consommateurs) voir ici.

En conclusion :

Le sommeil à l’adolescence traverse des « turbulences » liées à un maturation physiologique du
cerveau mais aussi à des facteurs aggravants externes, en premier lieu les écrans. Une bonne
hygiène de sommeil est à maintenir pour traverser cette période. Une consultation spécialisée
peut être nécessaire si cela n’est pas suffisant, ou en cas de doute sur un syndrome d’apnée de
sommeil par exemple ou si le trouble du sommeil s’accompagne d’une souffrance psychique
et/ou d’une prise de produits psychoactifs.

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