Vous aviez bâti avec votre enfant une hygiène de sommeil que vous pensiez solide, cela fait plusieurs années qu’il ne se réveille plus la nuit. Et voici que, depuis quelques temps, vous le surprenez à 2h du matin pleinement éveillé, sur son téléphone portable et que vous avez toutes les peines du monde à le tirer du lit le matin. Que s’est-il passé ?



Les enfants ont souvent tendance à être des “couche tôt, lèvent tôt” avec un besoin élevé de sommeil. A l’adolescence, la tendance s’inverse avec des jeunes plutôt “couche-tard, lève tard” ou “plus du soir” avec des besoins de sommeil qui commencent à diminuer. Les horaires et besoins de sommeil se stabilisent à l’âge adulte. Puis la tendance va repartir dans le sens inverse chez les personnes âgées, qui auront une tendance à se lever tôt et dormir moins.

Le fait que les adolescents repoussent encore et encore leur heure de coucher est donc d’abord dû à un décalage NATUREL du processus d’endormissement. En effet, la sécrétion de mélatonine (l’hormone qui déclenche et maintient le sommeil) est plus tardive au niveau de leur cerveau. Cela explique aussi que le processus de réveil soit également retardé. On parle d’un décalage de phase circadienne.

Ce principe général, bien qu’universel, n’empêche pas une variabilité importante entre les adolescents sur leurs horaires de sommeil, même entre frères et sœurs.



Plusieurs facteurs viennent en plus renforcer ce décalage de phase :

  • Les rythmes sociaux de la vie d’adolescent : les adolescents ont un rythme de vie qui a tendance à devenir plus volontiers du soir : grosse charge de devoirs à domicile, activités sportives ou autres après les cours, temps de socialisation (restaurant, cinéma, soirées)… Souvent, les adolescents se plaignent de ne pas avoir suffisamment de temps de détente en fin de journée et le recherche le soir.
  • La consommation d’écrans en fin de journée : jeux vidéo, réseaux sociaux, séries télévisées… Toutes ces activités vont repousser l’heure de l’endormissement. D’une part, la lumière « bleue » des écrans LED va bloquer la sécrétion de mélatonine, empêchant l’endormissement. D’autre part, les écrans d’autant plus quand ils sont actifs comme les jeux vidéos, entretiennent une stimulation élevée au niveau du cerveau. Enfin, toutes ces activités étant plus amusantes et motivantes que le sommeil, les adolescents auront des difficultés à arrêter même en cas de fatigue : un épisode en entraîne un autre, une partie en motive une autre…
  • La consommation de substances : les stimulants comme le café, la nicotine (en cigarette ou vapoteuse), les boissons gazeuses et les boissons énergisantes, sont consommés de façon régulière par de plus en plus importante des adolescents, dans des contextes sociaux, de préparation d’examens… Mais ils sont les ennemis numéro 1 du sommeil. D’autres substances, comme l’alcool et le cannabis, bien que sédatives et pouvant faciliter l’endormissement, altèrent significativement l’architecture et donc la qualité du sommeil : le sommeil est de fait moins récupérateur !

Résultat des courses : les adolescents n’ont pas sommeil, voire même sont particulièrement
actifs le soir, quand vous vous évertuez à les coucher. Et le lendemain matin, ils n’ont qu’une envie, c’est de rester au lit, alors que vous tentez de les réveiller à temps pour les cours. Et quand bien
même ils réussissent à être à l’heure, ils finissent par accumuler une dette de sommeil en semaine, qu’ils compensent en weekend par de longues grasses matinées, lesquels décalent encore plus leur endormissement et donc leur cycle par la suite !



  • Sur sa mémoire
  • Sur ses capacités de concentration
  • Sur ses émotions : irritabilité, sautes d’humeur, sensibilité au stress
  • Sur son niveau d’énergie : envie de dormir en classe, dans les transports, s’endormir devant la télé…
  • Sur son appétit et son alimentation
  • Sa croissance, car l’hormone de croissance est sécrété durant le sommeil profond en première partie de nuit

Il peut être intéressant de réaliser un petit carnet d’auto-observation pendant deux à trois semaines où l’adolescent pourrait noter ses heures de coucher, d’endormissement, de réveil ainsi que son humeur et son énergie durant la journée. Des applications sur téléphone ont également été développées pour suivre le sommeil. Il peut aussi noter de façon très concrète, en donnant des exemples, ce qui a pu perturber son sommeil ou ce qui a pu l’aider à se rendormir. Cela peut être l’occasion de remarquer une sensibilité au bruit, des difficultés à gérer le temps de devoirs, le besoin d’un moment de solitude… Cela développe bien sûr la connaissance de soi, mais donne aussi des pistes pour organiser un quotidien en accord avec les besoins de votre enfant.

  • Essayer de maintenir des horaires réguliers de sommeil, en semaine comme en weekend. Éviter les siestes ! Le weekend, il peut y avoir des grasses matinées correspondant à deux heures supplémentaires par rapport à l’horaire de réveil de la semaine. Le corps et le cerveau doivent mettre en place des habitudes qui vont permettre de régler leur horloge interne.
  • Nombre d’heures de sommeil recommandées à l’adolescence : 8 à 10 heures par nuit. L’objectif est de s’en approcher le plus possible. Afin de connaître les besoins spécifiques de sommeil de votre adolescent, regardez après 15 jours de vacances avec des horaires libres de coucher et de réveil, le nombre d’heure qu’il ou elle dort.
  • Pendant le week-end et les vacances : essayer le plus possible de maintenir des horaires similaires à ceux de la période scolaire. Tolérer deux heures de décalage en moyenne.
  • Favoriser une bonne obscurité dans la chambre le soir, et une bonne exposition à la lumière du jour le matin. Ce qui garantit une meilleure sécrétion de mélatonine.
  • Faire en sorte que la chambre soit calme, tempérée (19°C maximum) et ventilée.
  • Si l’enfant partage sa chambre avec l’un de ses frères ou sœurs, établir des règles permettant de respecter les habitudes et besoins de chacun.
  • Associer le lit au sommeil : on évite de dormir ailleurs que dans son lit, on évite de rester au lit pour autre chose que dormir (par exemple, regarder les écrans). En cas d’insomnie, on ne reste pas au lit, à regarder les minutes passer. Le cerveau associera lit avec insomnie ! Il est préférable d’aller se poser au calme dans une autre pièce, avec une faible lumière, en évitant les activités stimulantes.
  • Pas d’écrans après 18h ou en tout cas, les deux heures précédant le coucher. Pas d’écrans dans la chambre à coucher. Si possible, mettre le smartphone ou la tablette à charger dans une autre pièce. Sinon la tentation est trop forte ! Notamment en cas de réveil la nuit.
  • Pas de stimulants à partir de 15h, et pas d’alcool ou de cannabis pour essayer de faciliter l’endormissement.
  • Le repas du soir doit être léger mais rassasiant. Un repas trop lourd gênera l’endormissement, un repas trop maigre entraînera des signaux de faim qui réveillent l’adolescent en pleine nuit.
  • Pratiquer une activité sportive soutenue, qui permettra au corps de ressentir la fatigue et le besoin de récupération. Mais pas de sport trop tard non plus !
  • Le soir, favoriser plutôt des activités apaisantes comme la lecture, la musique, le dessin, les podcasts, les jeux de société ou la méditation. Vous pouvez établir avec votre adolescent une petite liste de toutes les activités calmes possibles, parfois, ils manquent un peu d’inspiration !
  • Mettre en place une routine de coucher : à tout âge ! Refaire les mêmes actions chaque soir permet petit à petit de signaler au corps et à l’esprit l’approche du coucher et favorise l’endormissement.

Nous n’avons pas tous les mêmes besoins. N’hésitez pas à tester plusieurs horaires, routines et
habitudes pour voir celle qui convient le mieux à votre enfant et à son organisme !



Comme nous l’avons vu, le décalage de phase du sommeil est un phénomène naturel à
l’adolescence, souvent aggravé par de mauvaises habitudes. Les médicaments, surtout chez
l’adolescent, doivent toujours être en second recours et de courte durée, accompagnés par
un professionnel,
souvent le médecin généraliste.

C’est la mélatonine (très proche de la mélatonine existant déjà dans le cerveau) qui est en
général privilégiée. Elle peut aider à induire l’endormissement et à recaler les cycles de
sommeil.



En cas de doutes sur des troubles du sommeil, comme par exemple
l’apnée de sommeil (ronflements, pauses respiratoires, fatigue importante la journée, souvent
aggravée par le surpoids), une consultation avec un spécialiste du sommeil pourra être
envisagée (voir ici).

Les troubles du sommeil peuvent parfois être un symptôme d’une souffrance
psychologique
sous-jacente : on voit alors des adolescents présentant une insomnie
particulièrement sévère accompagnée de ruminations ou au contraire s’enfermant dans un
« sommeil refuge » toute la journée. Une consultation avec un spécialiste de la santé
mentale
(psychiatre, psychologue) est alors nécessaire pour faire le point.

De même en cas de doute sur une consommation de substances, une
consultation avec un professionnel de l’addictologie est possible, sur tout le territoire
français, dans des structures adaptées, les CJC (consultations jeunes consommateurs, voir ici).

Consultez nos fiches ici.


Références

Auteurs

Benjamin PITRAT
Addictologue

Elie KHOURY
Psychiatre

Hélène PONCET-KALIFA
Psychologue

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