Séparation des parents : gérer les réactions des enfants

Gérer les réactions des enfants, qui peuvent exprimer une gamme d’émotions plus ou moins intenses face au bouleversement de la séparation des parents, fait partie intégrante de la période de transition et d’ajustement nécessaire pour tous les membres de la famille.

Ces émotions peuvent varier d’un enfant à l’autre,  en fonction de certains facteurs tels que l’âge, le développement émotionnel et affectif, le tempérament, ou les expériences personnelles passées. 

L’objectif de cette fiche est de fournir aux parents des stratégies pour les aider à accompagner leur enfant à travers les différentes étapes et  réactions émotionnelles variées qu’il va traverser.


Partie 1 – Gérer les réactions des enfants : les détecter


Les émotions : L’enfant peut exprimer de manière exacerbée ou atypique différentes émotions comme de la culpabilité, de la colère, ou de la tristesse. Chaque enfant peut avoir une manière singulière d’exprimer ses émotions. Il est important d’être attentif à ses réactions qui  sont des réponses naturelles à un changement significatif dans sa vie quotidienne.

L’autonomie : L’enfant peut stagner voire régresser dans son autonomie. On peut observer aussi des comportements régressifs chez les jeunes enfants comme sucer son pouce de nouveau ou faire pipi au lit. 

L’isolement : L’isolement et de repli sont assez fréquents et ne sont pas toujours évidents à détecter. Au-delà des pleurs et des demandes d’attention, certains enfants peuvent devenir plus silencieux, se replier sur eux-mêmes ou montrer une diminution de l’intérêt pour les activités qu’ils aiment d’habitude. Il est important d’être attentif à ces signes et d’adopter une approche proactive pour les aider. 

Le faux-self ou l’indifférence silencieuse : Certains enfants ne semblent montrer aucun signe de détresse. Ils paraissent au contraire comme indifférents à la situation. Ils deviennent des ‘enfants parfaits’. Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas sensibles à ce qu’il se passe mais parfois ils n’arrivent pas à exprimer leurs émotions et préfèrent ne pas ‘rajouter’ des soucis à leurs parents qui se séparent. Ils ‘prennent sur eux’. Il est important d’engager la discussion avec votre enfant et de l’encourager à exprimer ses émotions. Dites-lui qu’il est normal d’être triste, d’être énervée et que vous aussi vous ressentez cela (ou d’autres émotions que vous pouvez expliquer). 

Annoncer la séparation des parents

Partie 2 – Gérer les réactions des enfants : comment aider ?


 1- Lorsqu’il exprime de la culpabilité

Face à la séparation de leurs parents, certains enfants développent un sentiment de culpabilité, se percevant à tort comme responsables du bouleversement familial. En effet, ils peuvent croire que leurs actions sont la cause de la rupture. Pour rassurer l’enfant, il est important que les parents abordent ces inquiétudes directement, en communiquant clairement que les conflits et décisions des adultes sont indépendants du comportement des enfants. 

Stratégie proposée : Organisez une activité calme comme une conversation ou un jeu de rôle pour discuter avec votre enfant et aborder directement ou indirectement la notion de responsabilité. Il convient d’abord de montrer à votre enfant que vous reconnaissez ce qu’il ressent avec une phrase comme “ Je vois que tu te sens coupable à propos de la séparation. Il est normal de ressentir cela, mais ça n’est pas de ta faute”. Il est essentiel d’éviter de rejeter la faute sur l’autre parent.  

En pratique :

Pour les enfants :

* Vous pouvez organiser des sessions de théâtre de marionnettes pendant lesquelles vous pouvez utiliser des marionnettes pour jouer avec votre enfant des scénarios autour de la séparation. Cela peut l’aider à externaliser ses sentiments et à comprendre que les problèmes d’adultes sont indépendants de ses actions. Encouragez votre enfant à créer une histoire dans laquelle une marionnette se sent responsable d’un évènement, puis montrez à travers le jeu comment les autres marionnettes expliquent que certains évènements se produisent indépendamment des actions des individus.

* Vous pouvez créer une « boîte à paroles » dans laquelle votre enfant peut poser des questions ou des sentiments qu’il trouve difficile d’exprimer oralement. Cela peut ouvrir un dialogue sur ses inquiétudes.

Pour les adolescents :
* Aidez-le à analyser la situation de manière objective. Discutez avec lui des différents évènements, actions ou encore paroles qui l’ont conduit à penser qu’il pouvait être responsable de la situation. Aidez–le ensuite à examiner la situation de manière objective et réaliste en séparant les pensées irrationnelles (ou fausses croyances) de la réalité.

2- Lorsqu’il exprime de la  colère 

La colère est une émotion courante chez les enfants dont les parents se séparent.  Les enfants peuvent diriger cette colère contre eux-mêmes, contre leurs parents, ou même en dehors du domicile à l’école par exemple. Il est essentiel que les parents reconnaissent cette colère avec des phrases comme “Je comprends que tu sois en colère à propos de la séparation, il est normal de ressentir cela” et de lui montrer qu’il existe des façons constructives de gérer cette colère.

Stratégie proposée : Encouragez des activités qui permettent à votre enfant d’évacuer la tension. 

En pratique :

Pour les enfants :

* Vous pouvez mettre en place un « coin de la colère » dans lequel votre enfant peut se retirer lorsqu’il se sent en colère. Equipez cet espace avec des coussins dans lesquels il peut frapper, des feuilles de papier à froisser ou à déchirer, et un journal de la colère où il peut gribouiller ou écrire ce qu’il ressent. Dans ce coin de la colère, votre enfant pourra aussi utiliser certaines techniques de relaxation que vous lui aurez enseigné pour calmer sa colère.

Pour les adolescents :
* Vous pouvez encourager les activités physiques et sportives, permettant à votre enfant de libérer ses émotions négatives tout en favorisant le bien-être mental. Choisissez ensemble une activité qui lui plaît, tout en privilégiant les sports d’équipe car ils constituent un soutien social en plus des avantages physiques.

3- Lorsqu’il exprime de la tristesse

La tristesse est une émotion fréquemment ressentie par les enfants lors de la séparation de leurs parents, face à la perte du schéma familial tel qu’ils le connaissaient. Cette peine peut se manifester par des pleurs, un retrait social, ou une diminution de l’intérêt pour des activités auparavant appréciées. Encourager votre enfant à partager ses sentiments et à exprimer son chagrin peut l’aider à s’adapter progressivement à la nouvelle réalité familiale. 

Stratégie proposée : Encourager des activités qui ancrent l’enfant dans les petites joies du quotidien. Il s’agit de multiplier les petits bonheurs de tous les jours plutôt qu’un grand projet qui lui fait très plaisir mais lointain. 

En pratique :

Pour les enfants :

* Organisez une « chasse au trésors des petits bonheurs » qui consiste à créer une liste de choses joyeuses à trouver ensemble (une pomme de pin, une fleur particulière …). Explorez ensemble la nature, lors d’une promenade par exemple, et célébrez chaque trouvaille. Cela va aider votre enfant à se focaliser sur les moments positifs.

Pour les adolescents :
* Favorisez le maintien des liens sociaux avec ses pairs, les membres de la famille ou d’autres personnes importantes pour lui en organisant des petites fêtes à la maison. Les interactions sociales apportent un soutien émotionnel essentiel.

* Soyez attentifs à l’apparition de comportements à risque (alcool, tabac, puff, substances illicites, relations amicales ou amoureuses complexes ou à risque).

4- Lorsqu’il montre une stagnation, voire une régression dans son autonomie

L’annonce de la séparation des parents peut être déroutante pour les enfants qui peuvent donner l’impression qu’ils stagnent voire régressent dans leur autonomie. Cela peut durer jusqu’à ce que les enfants retrouvent un sentiment de sécurité et de stabilité. 

Stratégie proposée :  Dès l’annonce de la séparation, il faut rassurer l’enfant sur le fait que malgré la séparation des parents, le lien entre les parents et les enfants ne change pas. Si possible, donner à l’enfant des informations sur les nouveautés de son quotidien mais aussi des informations sur ce qui ne varient pas (comme l’école, les activités extra-scolaires…). Vous pouvez vous reporter à la fiche “La vie de famille après la séparation”.  

En pratique :

Pour les enfants :

* Vous pouvez créer un « arbre de la famille » ensemble ce qui permet aux enfants de visualiser les relations familiales de manière positive. Ils comprendront ainsi que la séparation des parents n’est en aucun cas une séparation parents-enfants : chaque parent garde une place privilégiée dans l’éducation et les soins des enfants.

Pour les adolescents :
* Soyez attentifs au fait qu’il ne mette pas en danger sa scolarité (fléchissement des notes ou absentéisme), qu’il ne prenne pas de risques (alcool, comportements inadaptés ou inhabituels pour son âge…). Organisez des temps avec lui : aller au cinéma, emmenez-le faire des courses… Laissez-le libre de la conversation, le sujet de la séparation ne doit pas être abordé à tout prix : faites-vous confiance, vous sentirez le bon moment pour en parler.

5-  Lorsqu’il s’isole et se replie sur lui-même

À l’annonce de la séparation, votre enfant peut avoir tendance à s’isoler. Ce repli peut se manifester par une augmentation de sa communication d’écrans (jeux vidéos, réseaux sociaux…), avec des temps d’interactions avec la famille de plus en plus court (ne dîne plus à table avec vous, passe son temps dans sa chambre porte fermée…). 

Stratégies proposées : soyez pro-actif pour éviter que votre enfant ne s’isole de plus en plus en allant vers lui et en lui proposant du temps en famille. 

En pratique :

Pour les enfants :

* Proposez à votre enfant des activités qui favorisent le lien familial en organisant des jeux en groupe, des activités bricolage, des activités sportives ou des temps en plein air comme des ballades.

Pour les adolescents :
* Limitez les temps d’écran en contractualisant avec lui les plages horaires autorisées. Favorisez les activités de loisirs, sportives ou en famille. Il est important de prévoir ces temps à l’vance pour que votre adolescent connaisse l’organisation de la semaine.

6- Lorsqu’il  paraît faire semblant d’aller bien mais que vous ressentez que c’est un peu sur-joué

Le faux self (faire semblant d’aller bien) est une réaction fréquente chez les enfants confrontés à l’annonce de la séparation de leurs parents. Cette phase peut se manifester par une apparente indifférence, une sorte de bien être qui vous surprend. L’enfant peut agir comme si rien n’avait changé et pourtant vous ressentez quelque chose d’inhabituel. Faites-vous confiance en tant que parent. Si vous avez l’impression que derrière ce masque du bien être il y a un problème, alors il faut en parler.   En tant que parents, il est important de repérer ce type de réaction et ne pas sous-estimer le mal-être de l’enfant qui peut paraître aller bien.  

Stratégie proposée : Il est important d’adopter une attitude sensible et empathique pour aider votre enfant à s’ouvrir et à s’exprimer autrement. Si cela est possible, essayez d’inclure l’autre parent dans les conversations. 

En pratique :

Pour les enfants :

* Vous pouvez utiliser des livres pour enfants traitant de la séparation pour aborder le sujet de manière indirecte. L’histoire d’un personnage traversant une situation similaire peut aider votre enfant à comprendre et puis s’ouvrir pour partager sa propre expérience.

* Vous pouvez proposer un « journal des émotions » dans lequel votre enfant peut écrire ou dessiner ses pensées et ses sentiments chaque jour. Cet outil peut servir de médiateur pour l’expression des émotions, permettant à la fois d’ouvrir le dialogue et d’intégrer progressivement la réalité de la situation à son propre rythme.

Pour les adolescents :
* Vous pouvez engager la conversation avec lui avec des phrases comme : « Comment te sens-tu ? » ou « Qu’est-ce que tu penses de cette situation ? »
Cela lui donnera l’occasion de se livrer. Ne vous découragez pas si votre adolescent vous dit qu’il va bien. N’hésitez pas à demander l’aide d’un tiers (grands-parents ou amis) : les adolescents peuvent avoir des difficultés à se confier à leurs parents.

 

séparation : organiser le quotidien

 

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Références

Auteurs

Nesrine Bouchlaghem


Rédigé par Dr Alicia Cohen (Pédopsychiatre), Nesrine Bouchlaghem (Psychologue), Pr Richard Delorme (Chef de service et Pédopsychiatre) – Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent – Centre d’excellence des troubles du neurodéveloppement, Hôpital Robert Debré, Paris.

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